L'humanité doit entrer dans le temps du brahmacharya qui est partie intégrante et nécessaire de l'ahimsa et du satyagraha.
Le grand accord
Tout ce qui est accordé avec toi est accordé avec moi, ô Monde !
Rien de ce qui, pour toi, vient à point, n'arrive, pour moi, trop tôt ou trop tard.
Tout ce que produisent tes saisons, ô Nature, est fruit pour moi.
De toi viennent toutes choses, en toi sont toutes choses, vers toi viennent toutes choses.
Marc Aurèle, A soi-même, IV, 23
La vraie piété
La piété, ce n'est pas se montrer à tout instant couvert d'un voile et tourné vers une pierre, et s'approcher de tous les autels ; ce n'est pas se pencher jusqu'à terre en se prosternant , et tenir la paume de ses mains ouvertes en face des sanctuaires divins ; ce n'est pas inonder les autels du sang des animaux, ou lier sans cesse des vœux à d'autres vœux ; mais c'est plutôt pouvoir tout regarder d'un esprit que rien ne trouble.
Lucrèce, De la nature des choses, II, V
Falk van Gaver : "L’Evangile n’est pas nataliste"
La décroissance est-elle compatible avec différents modèles politiques ?
La question n’est pas tant celle du modèle politique que celle de la vision du monde – écologie, autonomie. Le modèle politique le plus compatible avec la décroissance sera celui qui favorisera au mieux l’écologie et l’autonomie. Je penche pour ma part pour une anarchie bien comprise – et bien tempérée. Mais au fond, peu importe les noms et modèles que l’on peut donner, tant qu’ils convergent vers l’écologie et l’économie. Je pourrais donner ici une liste en -isme : anarchisme, autonomisme, fédéralisme ou confédéralisme intégral, souverainisme, indépendantisme, populisme, régionalisme, ruralisme, paganisme (pagus, pays, paganus, paysan), localisme, communalisme, municipalisme libertaire, (micro)nationalisme, indigénisme, associationnisme, mutualisme… Liste non-exhaustive, bien sûr, l’essentiel étant d’en comprendre le dynamisme convergent. Je pourrais aussi faire une liste en auto- : autonomie, autarcie, autogestion, autodéfense, auto-organisation, autoémancipation, autodétermination, autochtonie, auto(démo)cratie, c’est-à-dire autogouvernement (on pourrait parler étymologiquement d’autocratie qui devrait signifier le gouvernement de soi, pour soi et par soi, self-government, sens que l’on retrouve dans l’autarcie/autarchie ,mais le terme a pris une signification contraire à ce qu’il devrait signifier : la démocratie directe et réelle à base avant tout locale, puis (con)fédérale – l’autodémocratie, si on veut), etc. Et, bien sûr, en négatif, une liste en anti- : antimondialisme, anti-impérialisme, anti-étatisme, anticapitalisme, antilibéralisme, anticentralisme, antijacobinisme, antimodernisme, antitotalitarisme, antiprogressisme, anti-industrialisme, etc.
Qui furent les théoriciens et penseurs de la décroissance ?
Entre les précurseurs, les penseurs, les théoriciens, les anciens, les contemporains, la liste est longue et je ne vais pas faire ici un cours d’histoire de la décroissance. Je vous invite à vous former sur la question comme je l’ai fait, en lisant les livres d’éditeurs comme « Ecosociété », « Le Passager Clandestin », « Le Pas de Côté », « L’Echappée », ou des publications comme « L’Ecologiste », « La Décroissance », « La Revue du MAUSS », « Pièces et Main-d’œuvre », « Notes et morceaux choisis », « Les Amis de Ludd », etc. L’essentiel, c’est de commencer tout de suite cette nécessaire « décolonisation de l’imaginaire » (de l’emprise mentale économique et étatique) prônée par Serge Latouche – et cela peut passer par bien des chemins de traverse et des auteurs que l’on ne classerait pas forcément dans la décroissance – et pourtant ! J’invite par exemple les catholiques à relire Bloy, Péguy, Weil, Claudel, Bernanos, et à plonger dans toute la tradition chrétienne cosmique et écologique mise en avant par mon ami le péguyste Jean Bastaire récemment disparu.
Jack London et son « Iron Heel » sont-ils considérés comme des précurseurs de la décroissance ?
Témoin et visionnaire en tout cas d’une résistance ouvrière à l’industrialisation du monde – et d’un certain socialisme antiautoritaire et antiétatique, d’un véritable socialisme de la société, le premier socialisme de la première moitié du 19e siècle, le socialisme de Proudhon et Leroux, de Bakounine et Kropotkine, des populistes russes, d’ailleurs encore majoritaire dans la 1ère Internationale et dans le premier syndicalisme, qui se perpétuera dans le syndicalisme révolutionnaire de la première CGT, chez les conseillistes et spartakistes allemands, chez la CNT et la FAI espagnoles, et courra comme une tradition insurgeante minoritaire malgré le monopole croissant de la social-démocratie marxiste et du marxisme-léninisme sur le socialisme – avant la dissolution dans le socialisme libéral d’Etat. Je pense à Orwell et au POUM, à Simone Weil, à l’insurrection de Budapest en 1956… Mais aussi, avant, à la pleine figure de Péguy, qui fut tout d’un bloc et jusqu’au bout socialiste, anarchiste, révolutionnaire, patriote, républicain, antimoderne et chrétien – une belle synthèse disparue de l’homme complet et que nous devrions tenter de faire renaître dans chacune de nos existences.
D’un autre côté, qu’espèrent les défenseurs de la croissance perpétuelle ? Les dernières crises économiques sont-elles liées à la théorie de la croissance ? Et que dire de la déferlante migratoire ?
Le problème de la croissance, c’est justement celui de la sécularisation de l’espérance. La croissance est elle-même la crise. Espérer croître infiniment dans un monde fini, voilà la crise. Pour moi, il faut abandonner toute espérance et suivre l’injonction de Nietzsche : « Frères, soyez fidèles à la Terre ! » Quant aux crises migratoires, elles ne sont qu’une des dimensions de l’idéologie de la croissance humaine sous toutes ses formes – dont la croissance démographique. Une réponse locale ou nationale croissantiste ou nataliste n’est qu’une participation à cette crise qui a pris les dimensions du monde – et en menace la viabilité humaine. Pour ma part, je préfère faire partie avec Nietzsche des Fils de la Terre contre les Amis des Idées – ou des chiffres ! Frères, soyez fidèle à la terre, soyez fidèles à la Terre !
D’un point de vue catholique et nationaliste, le devoir des familles est de se multiplier d’une part, devoir également au niveau de la nation où, pour conserver son poids démographique, le peuple hôte doit augmenter son taux de fécondité. La décroissance semble pourtant commander le contraire. Que diriez-vous sur ce dilemme moral ?
Ce n’est absolument pas un dilemme moral pour moi, car je ne pars pas d’un point de vue catholique ni nationaliste. Comme toute religion et toute doctrine, le catholicisme et le nationalisme ne m’intéressent qu’en tant qu’ils favorisent l’écologie et l’autonomie. En 1793, je suis pour le catholicisme vendéen contre le nationalisme jacobin, de même que je suis pour les nationalismes corses, basques, bretons, occitans, contre le nationalisme français… Ou pour le nationalisme québécois contre le nationalisme canadien. Je suis plutôt opposé aux macro-nationalismes négateurs des identités nationales, régionales, locales, je suis plutôt pour les petites nations et les micro-nationalismes, pour autant que leur comportement ne soit pas celui, à une plus petite échelle, des macro-nationalismes uniformisateurs, épurateurs, négateurs et destructeurs des identités régionales, locales et autres. Si c’est pour reproduire le jacobinisme français – « Interdit de cracher par terre et de parler breton » dans les cours de récréation de l’école publique, laïque et obligatoire – non merci ! Je suis multinationaliste et multi-identitaire, contre tout mononationalisme !
Je suis patriote comme l’écrivain américain Edward Abbey (et je suis également anarchiste, écologiste radical et néo-luddite de la même manière que lui), le fameux auteur du Gang de la clef à molette dans lequel il décrit ainsi un des personnages : « Véritable patriote autochtone, Smith ne faisait serment d'allégeance qu'à la terre qu'il connaissait, pas à cette enflure farcie de propriétés privées et d'industries, terre d'exil d'Européens déplacés et d'Africains inopportunément transplantés, connue collectivement comme les Etats-Unis. »
Je ne suis pas nataliste par principe – et l’interprétation nataliste et familialiste du christianisme majoritaire contredit frontalement les Evangiles, c’est-à-dire les gestes et parole du Christ Jésus . L’Evangile n’est pas nataliste, il est plutôt anataliste si ce n’est antinataliste – je vous invite à le relire attentivement . Dans le contexte actuel de surpopulation, je suis même antinataliste – je préfère une France de vingt millions d’habitants plutôt que de soixante ou quatre-vingt. Je suis pour une limitation volontaire des naissances, une autolimitation – mot d’ordre de Soljenitsyne – que je pourrais ajouter à ma liste en auto- plus haut. Je suis marié et père de trois très jeunes enfants, mais entendre parler de « devoir des familles de se multiplier », de « conserver son poids démographique » et d’ « augmenter son taux de fécondité » me hérisse et me dégoûte complètement : ce genre de discours économiciste et quantitativiste, où le fait de fonder une famille devient un impératif numérique national, signale clairement des adversaires ou des ennemis pour moi – ceux qui ont une vision moderne, administrative, étatique, économique, bureaucratique, comptable du monde, de l’existence, de la naissance, de la vie, les sectateurs du règne de la quantité (Guénon), du totem du rat (André Suarès)… Pour des raisons similaires qui me font aujourd’hui antinataliste (opposant au natalisme, pas à la natalité en soi, bien entendu – mais la natalité est avant tout une condition, un événement et un avènement – cf. Hannah Arendt – pas une statistique – pouah !), je suis anti-immigrationniste : opposant à l’immigrationnisme, pas à toute migration en soi, bien sûr – mon rêve d’enfance étant d’ailleurs de fuir la France surpeuplée – humains, trop d’humains – pour venir vivre au Québec aux grands espaces dépeuplés – m’y inviterez-vous ?…
Le « devoir d’enfant », c’est comme le « droit à l’enfant », ça réduit chaque enfant à un objet, un moyen, un instrument, ou un simple chiffre, un pourcentage, un taux, une statistique…
Peut-on, et si oui ,comment, désintoxiquer une société accroc à la surconsommation et ce, dès le plus jeune âge ?
Il convient avant tout de se désintoxiquer d’une telle société.
Comment ? Si je crois en la convergence des radicalités, malheureusement trop souvent caricaturée en (con)fusion des extrêmes (rouges-bruns, nationalistes-révolutionnaires, nationaux-bolchéviks, nationaux-républicains, nationaux-laïques, néo-jacobins, etc., mais on pourrait parler aussi des islamo-communistes, islamo-nationalistes, islamo-révolutionnaires, tous mêlés dans les méandres conspirationnistes, complotistes). Au-delà de ces amalgames superficiels, il convient donc de se former et de s’ouvrir à d’authentiques radicalités (radix, racine) et de s’en enrichir et de les enrichir les unes par les autres : l’écologie radicale et profonde, les traditions anarchistes et socialistes antiautoritaires, les courants indigénistes et identitaires, la décroissance, le survivalisme, etc.
L’écologie n’est-elle pas devenue un simple outil de marketing ?
Le green washing de l’économie verte, de la croissance verte, du capitalisme vert, du développement durable, ne feront qu’accroître la nécessité et la légitimité de l’écologie radicale, de l’écologie profonde, ou, selon mes propres termes, de l’écologie intégrale. Le capitalisme recycle tout à son propre usage – que ce soit l’écologie, la religion ou la nation entre autres – en le vidant de toute substance et consistance propre. C’est pour cela que je m’inquiète quand j’entends parler de natalité et de nation, c’est-à-dire, étymologiquement, de naissance, en termes statistiques, i.e. économiques.
Dans la vie de tous les jours, comment peut-on agir localement dans une optique guidée par ces principes ?
Vous avez au Québec une tradition et une édition vivantes de la simplicité volontaire (Ecosociété ; beaucoup de choses intéressantes chez Lux également) : même si a priori, contrairement à moi, vous n’êtes pas du même bord que ces gens-là, même s’ils peuvent vous rejeter parce que vous sentez le souffre, je vous invite à vous ouvrir et vous former par vous-mêmes à cette tradition écologique et décroissante : pratiquez, dès maintenant, par l’écologie et l’autonomie, la convergence des radicalités – et soyez fidèle à votre terre !
Limite écologique, entretien avec Falk Van Gaver
1. Cf. « Hors de la famille point de salut ? » : http://osp.frejustoulon.fr/hors-de-la-famille-point-de-salut/
2. Cf. « Croissez et multipliez ? » : http://anarchrisme.blog.free.fr/index.php?post/2016/03/17/Croissez-et-multipliez
3. Cf. « Retour sur l’écologie intégrale » : http://anarchrisme.blog.free.fr/index.php?post/2016/03/17/Retour-sur-l-%C3%A9cologie-int%C3%A9grale
Cf. « L’envol du faucon » : http://anarchrisme.blog.free.fr/index.php?post/2016/03/17/L-envol-du-faucon
4. http://revuelimite.fr/
Christianisme et antispécisme
La logique du capitalisme dépasse le domaine purement économique. Vous consacrez une large partie de votre réflexion à l’écologie, en insistant sur la solidarité ontologique de l’humain et du vivant. Qu’est-ce qui fonde cette solidarité?
Pour les chrétiens, toute créature possède la dignité intrinsèque de création divine. Parmi les créatures vivantes, les animaux sont pourvus de cette dignité de manière toute particulière. C’est d’ailleurs parmi elles qu’Adam cherche une aide qui lui corresponde – la création d’Eve, dans le mythe biblique. Dans la Genèse, la première bénédiction de Dieu est donnée aux animaux. Ensuite aux hommes. Contrairement à l’opinion répétée ici et là, ce n’est pas l’homme qui est jugé “très bon” mais l’ensemble de la création – un ensemble lié et relié, où toutes les créatures sont solidaires, avant que le péché de l’homme ne détruise l’équilibre édénique. Toute la cosmologie et la biologie modernes et contemporaines ne font que confirmer cette solidarité ontologique.
Dès lors que penser de l’antispécisme?
J’ai de nombreux amis, dont des chrétiens, antispécistes et je le suis moi-même – si l’on entend par “antispécisme” non pas la négation des différences interspécifiques, mais le refus de la domination anthropocentrique. L’antispécisme est l’équivalent dans le règne animal de l’antiracisme dans le genre humain. Il y a dans la tradition chrétienne tous les éléments pour un antispécisme chrétien. Prenons seulement l’exemple de saint François d’Assise, qui enlève vers et insectes du chemin pour qu’ils ne se fassent pas écraser, et à l’heure où l’on tire les quelques loups qui reviennent en France, repensons à l’épisode du loup de Gubbio, une merveille de diplomatie interspécifique.
Falk Van Gaver: "L'Evangile s'oppose aux conséquences du capitalisme" 25.10.2017
Lire aussi :
CHRISTIANISME CONTRE CAPITALISME : ENTRETIEN AVEC FALK VAN GAVER (1/2)
CHRISTIANISME CONTRE CAPITALISME : ENTRETIEN AVEC FALK VAN GAVER (2/2)
Le christianisme et les âmes païennes
Rien ne serait plus faux que de faire du christianisme la religion de l'Occident. Il est d'un autre ordre, nous le dirons. Il y a une religion de l'Occident. Cette religion est l'antique paganisme grec ou latin, celte ou germanique. Et il était l'équivalent de ce que sont l'hindouisme ou le taoïsme, l'animisme ou les religions américaines. C'est à Plotin que l'on peut comparer Çankara, et Marc-Aurèle à Confucius. Ce paganisme valait les autres. Il n'est pas encore si loin de nous. Nous ne sommes jamais que des païens convertis : Fiunt, non nascuntur christiani, disait Tertulien. Ce qu'on peut traduire : " On nait païen, on devient chrétien ". Ce génie religieux de l'Occident conditionne la manière occidentale d'être chrétien. Et nous avons le devoir d'y être fidèle. Mais non de l'imposer aux autres.
Il y a ainsi diverses âmes païennes. Et chacune a sa beauté. Et toutes méritent d'être sauvées. Et toutes seront effectivement sauvées. C'est l'âme païenne des Sémites qui l'a été d'abord en Abraham. Ça été ensuite l'âme païenne occidentale, le baptême de Platon et de Virgile. Ce sera au XXe siècle l'âme païenne africaine, au XXIe siècle l'âme païenne indienne. Les diversités du christianisme sont le reflet dans l'unité d'une foi qui est nécessairement une, de la diversité des âmes religieuses qui accueille cette foi chacune à sa manière. Et de quel droit imposer aux autres ma manière d'accueillir Jésus-Christ ?
Jean Daniélou, L'oraison, problème politique,1965.
Le point de rupture
"Le rapport aux persécuteurs et à la victime : c’est bien là, selon Girard, le cœur du problème, le point de bascule qui ouvre un gouffre infranchissable entre les mythes païens et la révélation chrétienne, encore une fois au-delà de leurs similitudes thématiques apparentes (sacrifices, morts et résurrections, etc...), qui précisément ont pu faire le lit de cette vieille confusion.
Tous les mythes païens manifestent l’emballement mimétique des foules aliénées, dirigé contre une victime unique (qui en général tranche par sa singularité, son « étrangeté »), unanimement désignée comme responsable de tous les maux de la société, et dont le sacrifice aura une "divine" vertu réconciliatrice pour l'ensemble de la communauté.
En cela, dans les mythes païens, les persécuteurs ont toujours raison et la victime est toujours coupable. Son meurtre collectif rétablit la « paix ». Tel est le mensonge, dont Girard démonte les ressorts proprement sataniques, qui caractérise TOUS les mythes païens.
Par Jésus, la victime émissaire est enfin révélée dans son absolue innocence et les persécuteurs dans leur culpabilité. Retournement complet !
Sur la Croix, il révèle définitivement la dynamique meurtrière du tous contre un mimétique, l'illusion de la fausse paix (fondée sur le meurtre) et des fausses résurrections païennes."
Serge Lellouche
https://unpontlance.wixsite.com/cathos-ecolos/rene-girard-je-vois-satan
Ni Thor ni Christ
« Moi, le descendant de ces Normands qui adoraient Thor, je passe ma journée sans adorer ni Thor ni Christ ».
Henry David Thoreau, Journal
Le dernier paganisme
Le christianisme est même l'un des derniers paganismes - notamment sous ses formes traditionnelles, catholiques, orthodoxes et orientales.
Un homme qui est le Fils de Dieu, né d'une vierge, sacrifié, mort en croix et ressuscité, et auquel on communie par son corps et sous sang sous les espèces du pain et du vin - on est en plein paganisme !
Sans compter les anges, les archanges, les trônes et les dominations, les saints, les démons et les diablotins... - paganisme !
Je ne dis pas que le rabbi et prophète juif galiléen Jésus de Nazareth était païen, mais le christianisme, lui, est loin d'être un monothéisme aride !
Vous voulez des rites païens ? des sacrifices humains ?
Allez à la messe !
Délivré ?
Puisque cela m’a été demandé, j’espère pouvoir ici m’expliquer et répondre à certaines incompréhensions sur mon lapidaire "j'ai perdu la foi".
"Soyez toujours prêt à rendre compte de l'espérance qui est en vous", écrivait Pierre : je suis prêt à rendre compte de mon absence d'espérance - qui n'est ni désespoir ni désespérance mais délivrance.
Curieusement, ayant été déjà dans la position du chrétien croyant face à des chrétiens devenus agnostiques ou athées, j'ai déjà en quelque sorte dit ou écrit beaucoup de choses similaires voire identiques à celles qui m’ont été écrites et dites depuis ma crise et perte de foi.
Et pendant ma crise puis perte de foi de ces dernières années, j'ai aussi entendu et lu de la part d'amis, proches, prêtres, des choses similaires voire identiques.
Et je reçois d'autres courriers du même type d'amis, dont des frères, prêtres, moines, depuis que je l'ai rendue publique.
Je suis très touché par la réelle sollicitude et amitié qui s'y exprime, une véritable charité en acte.
Je crois aussi que l'amitié va au-delà du sentiment. Mais je crois aussi qu'il n'y a pas besoin de "Dieu" pour ça.
Mais rien n'y fait. Effectivement, j'ai lâché prise, décroché, dévissé.
Et c'est la meilleure chose qui me soit arrivée. Et je ne parle pas tant d'un soulagement psychologique que d'une expérience mystique.
Une révélation. Un dépouillement. Un saut dans le vide. Une mise à nue radicale.
Peut-être m'est-il arrivé intérieurement quelque chose comme au miraculé (athée) de La Mort suspendue - pour reprendre une métaphore alpine...
Un autre témoignage m'avait frappé aussi, outre celui de Joe Simpson : celui d'un auteur américain de bandes dessinées (il a écrit un Punk Rock Jesus assez... punk) et surfeur - chrétien, croyant, il manque se noyer dans les vagues en surf - il sort de l'eau, s'en sort - évidence soudaine et définitive : Dieu n'existe pas, il n'y a pas de Dieu.
Un autre ami a eu une expérience similaire de révélation soudaine - nous avons "bataillé" pendant des années, car j'"avais" encore la foi. Ces conversions brutales, soudaines, illuminatives, "mystiques" à l'"athéisme" (ou l'agnosticisme - mais ça va plus loin, car il s'agit d'une forme de certitude et non d'un doute) sont assez "dérangeantes" ou déroutantes pour les croyants, les religieux - parce qu'elles sont une forme de dimension religieuse.
La mienne a été moins soudaine, moins soudainement évidente.
Plusieurs amis chrétiens m'ont dit ou écrit, lorsque je décrivais mon expérience de "conversion" athée, que c'était curieux, car ils avaient vécu leur conversion à Dieu et au Christ de la même façon.
"Cette interprétation que tu fais de ton expérience m'intéresse même s'il m'est difficile de la regarder sous le même angle" m’écrit quelqu’un : bien évidemment.
C'est un peu le "problème" d'ailleurs de la façon chrétienne d'envisager les expériences mystiques authentiques extra-chrétiennes voire extra-religieuses - au mieux, elles sont considérées comme incomplètes ou confuses.
Quand j'étais croyant, je les envisageais de la manière la plus inclusive possible comme d'authentiques expériences mystiques, d'authentiques expériences de Dieu - "Le vent souffle où il veut et tu entends sa voix et tu ne sais ni d'où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de l'homme animé par le souffle..."
J'étais dans une "interprétation" (il ne s'agit pas d'intellect seulement, mais d'expérience-existence dont l'intellect est partie intégrante) la plus inclusive possible du christianisme, qui me paraît encore aujourd'hui la seule possible, logique, légitime - Dieu "tout en tous", le "Christ total".
(Quand nous vivions en famille dans le nord du Cambodge, hors maillage ecclésial, si nous passions dans un temple bouddhiste, nous faisions brûler cierges et encens avec les enfants à saint Josaphat - puisque la légende populaire a canonisé sous ce nom Siddharta Gautama "Bouddha"...)
Je suis passé à une vision plus large, plus inclusive, dont le christianisme ne me parait aujourd'hui qu'une des formulations symboliques et partielles (et hélas souvent partiales - quand le partiel n'a pas conscience de n'être pas total).
Mon plus ancien ami a fait exactement le chemin inverse - du syncrétisme pluraliste (toutes les religions sont des voies d'accès à Dieu) au christianisme (mais qui reste ouvert sur les autres modes religieux d'accès à Dieu) - de Guénon à Massignon : il est d'ailleurs anthropologue du religieux au CNRS.
J'étais bien sûr un fervent des mystiques chrétiens antiques, médiévaux et modernes d'Orient comme d'Occident - et ouvert sur les autres pratiques et mystiques.
Mon parcours pourrait être interprété aujourd'hui par des chrétiens comme exemplaire (ou plutôt contre-exemplaire) des dangers de l'inclusivisme et du syncrétisme dont il est gros...
Surtout que mon expérience-d'existence est allée plus loin - vers une forme d'athéisme mystique, ou de mystique athée.
Certains ont été et sont énervés, agacés, par la dimension semi-publique puis publique de ma perte de foi. Proclamer la foi quand on est croyant, très bien, mais la perte de foi, s'il-vous-plaît, gardez-la pour vous, cachez-la comme un échec ou une maladie honteuse...
Je dois avouer que les réactions de certains chrétiens n'ont pas été à la hauteur - soit la réprobation morale, ou l'argutie théologique ou à côté de la plaque - ça, précisément, ce sont souvent certains prêtres et religieux - en surface ou ailleurs. Ou pudeur peut-être : Dieu seul sonde le secret des cœurs.
J'ai donné aussi dans tous ces travers dans ma crise de foi - agressivité, exagération, condamnation, argumentation, joute - Job sur son fumier. Et je donne encore là-dedans lorsque mon interlocuteur se place sur ce plan.
Mais j'ai aussi eu de vrais échanges compréhensifs et j'en ai encore !
Lorsque j'ai commencé à parler de ma perte de foi, je me suis rendu compte que nombre de mes amis n'étaient "que" catholiques de nom, de culture, de tradition - leur réaction pouvant se résumer à : "Ah bon ? parce que tu y croyais vraiment ?" Du coup je les ai saoulés avec les affres de ma crise de foi.
D'autres, chrétiens de conviction, de croyance, de foi, (avec des gradations), se sont souvent montrés défensifs, offensifs, agressifs, au mieux avec une certaine commisération condescendante qui ne faisaient guère honneur au christianisme.
D'autres enfin, moins nombreux, ceux qui avaient sans doute la foi la mieux chevillée au corps, se sont montrés au contraire compréhensifs, interrogatifs, charitables.
D'autres enfin, tiraillés par les mêmes doutes et crises qui m'ont traversé, se sont montrés également interrogatifs et compréhensifs, ont partagé leurs doutes avec moi - même s'ils n'ont pas dévissé.
Car lâcher prise est une décision, lourde de conséquence, j'en ai bien conscience, mais légère en même temps - un retour à la légèreté et à la liberté dans le rapport à ce qui est.
Je crois que "Dieu" est le nom que certains donnent au fond de l'être, au mystère, à l'ouvert... - un nom pour moi trop personnaliste et anthropomorphiste, trop anthropocentrique.
Si ce nom garde l'ouvert ouvert, l'ouvert en tant qu'ouvert - comme chez Nazianze ou Eckhart entre autres - tant mieux.
Mais sinon, tant pis - et toute la dogmatique et canonique et machinerie théologique-rationnelle est là pour canaliser, brider et juguler la mystique - la circonscrire et la fermer, l'enfermer (combien de fois l'Eglise a à proprement parler enfermé ses/les mystiques, quand elle ne les a pas brûlés !).
Jésus a voulu réouvrir l'ouvert en tant qu'ouvert, que relationnel ouvert, que relation ouverte, le Père, l'Esprit sont des concepts métaphoriques ouverts que la dogmatique a voulu rationaliser (et enfermer et durcir) dans le dogme trinitaire qui est déjà une atteinte au mystère. Comme la plupart de ceux qui ont voulu réouvrir l'ouvert, ou réouvrir l'ouvert dans les hommes, réouvrir les hommes à l'ouvert, ça a mal fini pour lui - comme Hallaj ou Gandhi...
Gandhi est pour moi un "christ" aussi, comme Jésus en a été un. Gandhi va même plus loin que Jésus dans certains aspects de la non-violence, de l'in-nocence - végétarisme par exemple. Jésus est un Gandhi divinisé - comme Gandhi l'est en Inde, d'ailleurs...
J'aime Jésus, j'aime Gandhi, même si contrairement à eux je n'ai pas de "Dieu", j'aime bien aussi le taoïsme christique d'un François Cheng, ou le christianisme ouvert d'un Panikkar, ou encore Krishnamurti - même si je les trouve trop idéalistes et spiritualistes.
Effectivement, mon évolution de ces dernières années n'a pas été sans hésitations ni contradictions, que je n'ai pas forcément cherché à lisser ni à coordonner, mais plutôt à exprimer au fur et à mesure - comme Job dans la nuit sur son tas de fumier (même si je n'ai pas connu ses malheurs - d'ailleurs, il ne serait pas honnête comme j'ai pu être tenté de le faire parfois de rejeter sur l'impéritie humaine des catholiques ma perte de foi - impéritie que je connaissais aussi bien quand j'étais croyant - mais que je considérais en partie différemment, mais en partie seulement).
J'ai essayé de me dépatouiller rationnellement, psychologiquement, etc., non sans mauvaise foi parfois (lorsque je dis que le christianisme n'était pour moi qu'idéologie ou visions du monde - c'est faux !), de cette évolution - mais l'essentiel ne se passait pas là.
C'était tentant de rationaliser ainsi - par l'idéologie ou la psychologie.
Certains amis catholiques m'ont expliqué que je n'avais jamais eu la foi, mais que c'était une construction intellectuelle, une "foi" intellectuelle, une fausse foi - j'ai failli reprendre cette explication tranquillisante pour tous à mon compte, mais elle n'était pas satisfaisante car elle était fausse - elle ne concernait que l'étoffe intellectuelle ou l'écorce théologico-philosophique de la foi.
D'autres m'ont expliqué ma perte de foi (si ce n'est ma foi) par la psychologie, etc. - cette explication ne m'a jamais convaincu, même si par honnêteté j'expose les faits ou événements qui ont précédé ou accompagné ma crise et perte de foi.
D'autres événements ou traumatismes psychologiques ont accompagné toute mon enfance et adolescence (comme la plupart des gens), on ne peut pas rabattre l'évolution spirituelle (ni intellectuelle d'ailleurs) sur le vécu psychique.
Sans nier les interactions entre les dimensions mystique, psychologique, intellectuelle-idéologique.
Mais cela - le changement profond - ne se passait fondamentalement ni sur un plan sociologique, ni idéologique, ni intellectuel, ni psychologique.
Cela se passait sur un plan profond que je ne saurais qualifier autrement que de mystique.
Cela dit, c'est une évolution profonde qui s'est passée sur plusieurs années (ses débuts critiques - au sens de crise - ayant précédé d'un an au moins les débuts de son expression semi-publique) et dont les expressions privées ou publiques ne rendaient pas forcément compte de la profondeur des transformations tectoniques - transformation des soubassements mêmes de l'existence, de la "vision", de la "perception".
De mon point de vue, je ne suis plus dans la nuit de la foi, ni dans le tunnel, etc. Je ne suis plus en crise. Je ne suis plus dans la ténèbre. Une véritable lumière s'est faite, une illumination, avec une grande paix mystique. J'ai exprimé ça ainsi :
"Le sol s'est dérobé sous mes pas, j'étais dans le noir complet, l'abîme, la ténèbre, j'ai d'abord essayé pendant un an ou deux d'endurer en silence, de pratiquer, de forcer, de continuer, mais ça ne faisait qu'empirer, alors j'ai tout lâché, mais j'ai essayé de me raccrocher encore où je pouvais, de rationaliser, de verbaliser, etc. - entre Job sur son tas de fumier grattant ses plaies avec un tesson de céramique, criant, hurlant, se lamentant, insultant, exagérant, provoquant, etc. et Nietzsche raisonnant, réduisant, se répandant aussi, insultant, exagérant, provoquant, etc. - comme un amoureux déçu ou un enfant perdu. Tout s'est écroulé, et mes châteaux de sable aussi et mes épées d'encre et de papier.
Puis j'ai lâché prise, j'ai consenti à la nuit, et la lumière est revenue - une lumière qui comprend la nuit, ou une ténèbre qui comprend la lumière. Quelque chose comme ça en tout cas. Quelque chose comme une paix, si ce n'est la paix. Tout m'a été rendu - mais sous une autre lumière, surhumaine, crue - nu et dépouillé."
Je suis donc sorti de la crise, ou du tunnel. Apaisé. Sur le plan mystique.
Même si ça bouillonne sur tous les autres plans ! Une remise en cause aussi fondamentale du fondement de l'être et de l'existence a des effets profonds qui ne peuvent se déployer que sur le long terme. Je suis loin d'être apaisé sur les plans psychologiques, intellectuels, etc.
Je suis certes imprégné de christianisme jusqu'à la moelle et un compagnonnage assez long avec Jésus ne peut pas ne pas laisser de traces - traces bénéfiques que je ne cherche pas à effacer.
J'aime et j'admire Jésus, même si ce n'est qu'un homme, même s'il n'y a pas de Dieu, même s'il n'est pas ressuscité d'entre les morts, etc.
C'est quelqu'un qui a su s'ouvrir et qui a su ouvrir à une autre dimension de l'existence - même s'il me semble qu'il ne faut pas figer ses métaphores en dogmes ("Père" etc.) - au fond mystérieux de l'être, qu'on peut appeler "Dieu" même si cette appellation est trop anthropomorphique (deus, theos, Zeus, etc.).
Ce qui me dérange dans le christianisme "historique", "dogmatique", c'est qu'il a eu et a toujours tendance à refermer le mystère que Jésus a au contraire ouvert dans le contexte religieux de son époque - il me semble qu'être chrétien c'est au contraire ouvrir toujours davantage le mystère, s'ouvrir toujours davantage au mystère par-delà concepts, dogmes et images (la Trinité ouvre le Dieu monique à la pluralité relationnelle, à une sorte d'écologie divine, mais le dogme trinitaire referme cette ouverture, etc.) : Grégoire de Nysse, Grégoire de Nazianze, Eckhart - "Dieu au delà-de Dieu", "Toi l'au-delà de Tout" - et même, plus loin, plus large, "au-delà de Dieu", "le Tout au-delà du Toi"...
DUC IN ALTUM. Avance au large. Avance en hauteur. Avance en profondeur.
Ce en quoi je suis, encore, peut-être, d'une certaine façon, très hétérodoxe, "chrétien".
Élargissement aussi de l'amour et de la compassion non seulement à tout être humain mais à tout être vivant et à tout ce qui est.
Si le christianisme, c'est la dynamique du Christ, la dynamique d'amour-charité-compassion universelle de Jésus, alors je suis chrétien "au-delà" du Christ historique, comme l'était François, et si le franciscanisme c'est cette reprise-élargissement de la dynamique christique, alors je suis chrétien et franciscain - mais athée, sans-Dieu, sans-dieu.
Le nom "Dieu" ou "Père " étant une métaphore et une personnification, un symbole humain, trop humain, qui doit être ouverture et ouvert et non fermeture et fermé, du fond de l'être, de l'Être au fond de tout être et de toute vie.
Et il en va de même pour toute religion, philosophie, mystique, etc. Ouverture, ouverture, ouverture !
Sinon, pour ce qui est de ma vie, je ne vis pas comme je voudrais vivre, après des années de bénévolat et volontariat solitaire et en famille, je vis une vie banale ou normale de professeur de philosophie et de père de famille, ni riche ni pauvre, trop riche en superflu à mon goût et trop pauvre en essentiel, essayant d'introduire cette dimension compassionnelle pour tous et pour tout dans mon quotidien - entre autres petits exemples par le passage au végétarisme (brutal pour ma femme, progressif pour moi) par exemple, et sans doute - car c'est la suite charitable logique - au végétalisme - mais sans remise en cause radicale du mode de vie - bref, j'en suis à peu près par rapport à ma mystique à peu près où en sont la plupart des chrétiens par rapport à la leur.
Rien de total, rien de radical, rien de fou.
Je ne "vaux" (façon de parler) pas mieux que les autres, et moins que beaucoup d'autres - donc, respect à ceux qui font et sont ce qu'ils croient, respect et admiration pour Gandhi et Mère Teresa, quelles que soient leurs limites et leurs motivations (qui, je pense, au fond, sont les mêmes - intuition mystique profonde de l'Être au fond de tout être et compassion universelle).
Je voudrais vivre quelque chose de radicalement autre, de profondément en accord avec "ma" ou la mystique, mais je ne trouve pas le comment, je ne trouve pas la voie et la vertu, je n'ai pas trouvé "le dégagement rêvé", "le lieu et la formule" où "posséder la vérité dans un corps et dans une âme", je reste enlisé dans une vie qui ne me correspond pas.
Et je commence à désespérer de jamais en sortir.
L'économie selon Jésus-Christ
Ecofuturisme
Essayer d'entrer dans la post-postmodernité, existentiellement, intellectuellement, mentalement, spirituellement.
Ne plus vivre sur les débris et les ruines de la modernité et des traditions.
Dépassement de la postmodernité.
Vivre dans le nouveau grand paradigme, le paradigme du futur.
L'écologie.
L'écologie générale, intégrale, radicale, profonde.
L'écologie scientifique, mentale, sociale, politique.
Le naturalisme intégral et intégré.
La science intégrale et intégrée, science ouverte.
Les présocratiques et l'écologie scientifique.
Gaïa contre Yahvé ?
X : « Plutôt que la figure de Dieu, n'est-ce pas la Nature, au sens de la divinité Gaïa, qui attire l'individu moderne en mal de transcendance?
A supposer qu'il s'agisse d'une thèse sérieuse, ce ne serait qu'une pure régression vers un culte archaïque d'avant la révolution biblique, celui de la Terre Mère, déesse de la fécondité. Or, cette divinité sexuée ne peut, elle, que provoquer la violence. Car la mère, qui reste toujours certaine et présente, met les enfants en rivalité, ce qu'ils peuvent éviter de faire avec le père, puisque celui-ci reste symboliquement absent. C'est justement cette séparation qui permet aux fils et aux filles de s'émanciper. Je crains que le culte abstrait de l'égalité n'aboutisse à masquer et refouler le principe de paternité. »
FG : Delsol? Brague?
C'est vrai que la violence monothéiste...
Relis la Bible.
Je l'ai lue, moi.
Et l'islam. Religion tellement féminine... Rien à voir avec Dieu-le-Père Tout-Puissant...
X : Non, Jean-Luc Marion.
Super, le truc « je l’ai lue, moi ». Tout le monde l’a lue, merci.
Et le « monothéisme » ne veut rien dire.
Là, on parle de christianisme.
NB : Il ne dit pas de bien de l’islam, je te rassure.
FG : Lue en entier d'une traite du début à la fin? Ça m'étonnerait...
Les interminables récits d'anathèmes et d'holocaustes...
Lecture biblique très sélective de l'Eglise - tant mieux d'ailleurs !
Là, dans cet extrait, Marion ne parle pas de christianisme, mais d'opposition entre religion de la Déesse Mère (assimilée clairement au paganisme) qui serait source endogène violence et religion du Dieu Père (assimilée donc aux "monothéismes" juifs, chrétiens et musulmans) qui serait source de non-violence...?! Caricatural et comique. Opposition grossière idéalisée et anhistorique (digne d'Eléments-Krisis et d'Isabel selon toi mais avec des polarités inversées ?).
Quant à ce qu'il dise en mal de l'islam, ce n'est pas la question. L'islam, religion du dieu patriarche omnipotent, invalide sa thèse ici exposée.
A moins de dire que le christianisme catholique et orthodoxe équilibre avec la Vierge Marie et le Fils le Père tout-puissant blabla etc.
Mais là on est en plein Maffesoli.
Le christianisme catho ortho etc. comme paganisme, polymonotheisme, faux monothéisme, paganopolytheisme mal masqué, etc.
Les polytheismes paganismes etc. ne se résumant pas au culte de Gaia, mais pleins de dieux mâles olympiens plus ou moins plénipotentiaires... etc.
X : Mais oui en entier, merci.
Les holocaustes sont des sacrifices d’animaux, terre qui vient d’ailleurs de la Grèce païenne. Donc, de quoi parles-tu ?
Lecture très sélective et interprétatives des passages anciens par tout le monde depuis très longtemps, les juifs eux-mêmes, rabbiniques et talmudiques, pharisiens et esséniens. Qui pour prendre au sérieux le pseudo-extermination des Amalécites telle qu’elle est décrite, sinon les païens et athées de mauvaise foi ? Les quatre sens de l’Ecriture, etc.
Non, lis l’itw en entier, tu verras qu’il ne fait aucune assimilation entre judaïsme t christianisme d’un côté, et islam de l’autre - qu’il ne considère d’ailleurs pas tout à fait comme une religion, mais comme une norme.
Et il n’y a rien de caricatural. C’est historique, bien au contraire.
C’est dans L’Express : http://www.lexpress.fr/actualite/societe/religion/le-fanatisme-religieux-est-fondamentalement-athee_1928748.html
Islam : Faux, le dieu de l’islam n’est pas patriarche. C’est une déformation christocentrée de croire ça.
FG : Je parlais bien d'anathemes ET d'holocaustes. Tu me prends pour un idiot ?
N'as-tu pas lu ces interminables récits de massacres de milliers d'animaux ? Ce n'est pas violence peut-être ?
X : Ces récits ne sont pas interminables, d’une part. D’autre part, ces offrandes ont un rôle, notamment celui d’éviter le massacre de son voisin et dans ce sens, c’est meilleur. Enfin, elles sont consommées, donc utiles à la vie.
C’est violence, mais moindre, donc c’est amélioration.
FG : N'importe quoi. Ces violences sont concomitantes. Anathèmes et holocaustes. (Idem en islam d'ailleurs, religion de l'égorgement sacrificiel où on passe facilement de l'ovin à l'humain comme nous le rappelait notre très peu suspect d'islamophobie professeur Bruno Etienne).
Et il n'y a pas que les Amalécites. Relis toute la conquête de Canaan. Où Dieu punit de mort la moindre pitié-faiblesse pour l'ennemi.
X : N’importe quoi. Il n’y a jamais eu de sacrifices humains dans le judaïsme.
Et personne, sinon les sots, n’a jamais pris au pied de la lettre le récit de la conquête de Canaan. Ni les croyants, ni les historiens.
FG : On peut assimiler les anathèmes à une forme de sacrifice (total - humain et animal d'ailleurs).
On se fout de l'aspect historique ou littéral. Ce qui est intéressant, c'est l'aspect symbolique et moral.
Quant à la prise au sérieux, tu devrais te pencher sur les prêches de certains rabbins israéliens et les revendications de certains groupes sionistes religieux...
X : Ah, super. Qu’en ai-je à foutre de ces rabbins tarés ? Je dis justement que seuls les sots…
Assimiler à un sacrifice total : comment ?
L’aspect symbolique et moral consiste précisément dans une émergence de la pensée non-violente. Ce que raconte entre autres la Bible.
FG : Je ne disais nulle part qu'il y avait de sacrifice humain dans le judaïsme, mais puisque tu en parles, oui, on peut assimiler les anathèmes des villes cananéennes à des sacrifices humains (et animaux etc. - bref totaux) demandés par Dieu : ces massacres absolus sont inhumains et irrationnels - tout doit y être sacrifié à Dieu.
Je n'ai pas de Bible sous les yeux, je ne vais donc pas reprendre ici point par point ces récits en montrant les structures et vocabulaires sacrificiels des anathèmes et en les mettant en rapport avec d'autres passages concernant les sacrifices animaux et notamment les holocautes, et puis ça me saoule.
Mais ce sont les mêmes structures récitatives dans l'ordre donné par Dieu des anathèmes et l'ordre donné par Dieu des holocaustes.
Et si les holocaustes remplacent les anathèmes, le massacre des animaux celui des humains, c'est qu'il y a homologie entre les deux justement.
S'il y a évolution symbolique et morale, c'est qu'il y a passage justement du sacrifice humain eu sacrifice animal puis au sacrifice moral à travers un ultime sacrifice humain ou divino-humain montrant l'inanité des sacrifices et en même temps leur permanence structurelle (puisqu'il faut un sacrifice non sanglant remémorant un sacrifice sanglant etc. Bref Girard, ses géniales intuitions et ses contradictions.
Oui, l'émergence de la pensée non violente, dans le christianisme et une part du judaïsme, dans une partie de l'hindouisme tardif, du taoïsme, dans le bouddhisme et le jaïnisme bien davantage.
Ce qui n'empêche en rien les christianismes, judaïsmes, hindouismes, bouddhismes etc. réels et historiques d'être régulièrement ultra violents.
Comme les paganismes etc.
Alors ces conneries sur la religion violente de la mère contre la religion non-violente du père... Bullshit.
X : Non, pas bullshit du tout, parce qu’il parle de la destruction psychique à l’intérieur de l’humanité elle-même par la disparition de la différenciation sexuée, notamment.
FG : Mais on est en plein dans le symbolique, dans du Maffesoli, ou de l'Eliade au mieux - dieu père et déesse mère, etc.
Je ne vois pas en quoi on pourrait accuser le "paganisme" ou le "gaïanisme" de refus de la différenciation sexuée, d'ailleurs.
On pourrait (et cela a été fait) en accuser aussi facilement le "judéo-christianisme" - idéalisme, mépris du corps, refus du sexe, "il n'y a plus ni homme ni femme", spiritualisme, célibat, "eunuque pour le royaume des cieux", "au ciel on ne prend ni mari ni femme", etc.
Comme on pourrait (et cela a été fait) l'accuser d'"égalitarisme", etc.
Toutes ces discussions et surtout affirmations et oppositions sont vaines, au fond.
N'y participer que pour montrer leur vanité.
Moi, ce qui m'intéresse, c'est la formation d'une sensibilité profondément écologique - peu importent les motivations spirituelles, religieuses, philosophiques, scientifiques - peu importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse.
Cf. Arne Naess, la "plate-forme" de l'écologie profonde. (ou, loin de tout anti-christianisme supposé, il montre dès le début qu'on peut être chrétien et deep ecologist par exemple).
X : Par ailleurs, l’holocauste est lui-même réprouvé à l’intérieur de la Bible. « Je ne veux ni sacrifice, ni holocauste, etc. »
FG : Oui, ensuite. Très bonne évolution. La Bible n'est pas un bloc, bien sûr.
Ce que je récuse, ce sont ces confrontations caricaturales bloc par bloc comme fait Marion. Et tant d'autres.
X : Il juge psychanalytiquement.
FG : Oui, c'est ça. Grossièrement, quoi. On peut dire ce qu'on veut en pseudo-psychanalysant. C'est la grossière confrontation caricaturale des "chrétiens" et des soi-disant "païens", "new age", etc. On inverse les polarisations mais on tient grosso modo le même discours. "Dieu le Père" contre "Déesse Mère", etc. Freud et Jung, etc.
La psychanalyse est la mythologie européenne du XXème siècle. Qui s'entend très bien avec les religions.
Un discours explicatif pseudo scientifique mais magico-symbolique au fond.
Religieux.
X : Il n’y a pas de soi d’opposition symbolique-scientfique. Au contraire.
FG : Discours psychanalytique type.
Là dessus, je suis plutôt poppérien.
Ou discours religieux type.
X : Eh oui. Contre discours scientiste-type.
FG : Non. Je ne suis ni scientiste ni scientifique. Je suis "symboliste" et "symbolique" - comme en témoignent mes écrits. Et je ne nie en rien la centralité du symbolique chez l'humain. Ni la part symbolique du scientifique. Ni les tentations ou dérives symbolisantes du scientifique ("scientisme"). Et inversement ("psychanalyse" entre autres). Mais je ne confonds pas les deux discours.
Pour ma part, je m'essaie à la philosophie (et notamment philosophie de l'écologie, de la nature, etc.). Jonction mais aussi (tentation de, risque de) confusion du savoir, de la sagesse et de la science. Distinction et liaison donc. Du moins tentative.
Mon texte dans Krisis ressort pleinement du symbolique et tente d'être philosophique.
Proudhon pour tous
Proudhon écrit :
« Être gouverné, c'est être gardé à vue, inspecté, espionné, dirigé, légiféré, réglementé, parqué, endoctriné, prêché, contrôlé, estimé, apprécié, censuré, commandé, par des êtres qui n'ont ni le titre, ni la science, ni la vertu... Être gouverné, c'est être, à chaque opération, à chaque transaction, à chaque mouvement, noté, enregistré, recensé, tarifé, timbré, toisé, coté, cotisé, patenté, licencié, autorisé, apostillé, admonesté, empêché, réformé, redressé, corrigé. C'est, sous prétexte d'utilité publique, et au nom de l'intérêt général, être mis à contribution, exercé, rançonné, exploité, monopolisé, concussionné, pressuré, mystifié, volé ; puis, à la moindre résistance, au premier mot de plainte, réprimé, amendé, vilipendé, vexé, traqué, houspillé, assommé, désarmé, garrotté, emprisonné, fusillé, mitraillé, jugé, condamné, déporté, sacrifié, vendu, trahi, et pour comble, joué, berné, outragé, déshonoré. »
Voilà de toute urgence un homme à connaître...
Pique-nique aux arènes de Lutèce
Le samedi 17 juin à partir de midi.
Le vrai dandysme
"Le commerce est laid, fondamentalement laid. Et il n'est pas épanouissant.
Le dandysme est laid aussi. C'est comme les vieilles femelles maquillées.
La vie pérégrine, la seule vraie vie."
(Fr. Alexis, osbl)
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