X : « Plutôt que la figure de Dieu, n'est-ce pas la Nature, au sens de la divinité Gaïa, qui attire l'individu moderne en mal de transcendance?

A supposer qu'il s'agisse d'une thèse sérieuse, ce ne serait qu'une pure régression vers un culte archaïque d'avant la révolution biblique, celui de la Terre Mère, déesse de la fécondité. Or, cette divinité sexuée ne peut, elle, que provoquer la violence. Car la mère, qui reste toujours certaine et présente, met les enfants en rivalité, ce qu'ils peuvent éviter de faire avec le père, puisque celui-ci reste symboliquement absent. C'est justement cette séparation qui permet aux fils et aux filles de s'émanciper. Je crains que le culte abstrait de l'égalité n'aboutisse à masquer et refouler le principe de paternité. »

FG : Delsol? Brague?

C'est vrai que la violence monothéiste...

Relis la Bible.

Je l'ai lue, moi.

Et l'islam. Religion tellement féminine... Rien à voir avec Dieu-le-Père Tout-Puissant...

X : Non, Jean-Luc Marion.

Super, le truc « je l’ai lue, moi ». Tout le monde l’a lue, merci.

Et le « monothéisme » ne veut rien dire.

Là, on parle de christianisme.

NB : Il ne dit pas de bien de l’islam, je te rassure.

FG : Lue en entier d'une traite du début à la fin? Ça m'étonnerait...

Les interminables récits d'anathèmes et d'holocaustes...

Lecture biblique très sélective de l'Eglise - tant mieux d'ailleurs !

Là, dans cet extrait, Marion ne parle pas de christianisme, mais d'opposition entre religion de la Déesse Mère (assimilée clairement au paganisme) qui serait source endogène violence et religion du Dieu Père (assimilée donc aux "monothéismes" juifs, chrétiens et musulmans) qui serait source de non-violence...?! Caricatural et comique. Opposition grossière idéalisée et anhistorique (digne d'Eléments-Krisis et d'Isabel selon toi mais avec des polarités inversées ?).

Quant à ce qu'il dise en mal de l'islam, ce n'est pas la question. L'islam, religion du dieu patriarche omnipotent, invalide sa thèse ici exposée.

A moins de dire que le christianisme catholique et orthodoxe équilibre avec la Vierge Marie et le Fils le Père tout-puissant blabla etc.

Mais là on est en plein Maffesoli.

Le christianisme catho ortho etc. comme paganisme, polymonotheisme, faux monothéisme, paganopolytheisme mal masqué, etc.

Les polytheismes paganismes etc. ne se résumant pas au culte de Gaia, mais pleins de dieux mâles olympiens plus ou moins plénipotentiaires... etc.

X : Mais oui en entier, merci.

Les holocaustes sont des sacrifices d’animaux, terre qui vient d’ailleurs de la Grèce païenne. Donc, de quoi parles-tu ?

Lecture très sélective et interprétatives des passages anciens par tout le monde depuis très longtemps, les juifs eux-mêmes, rabbiniques et talmudiques, pharisiens et esséniens. Qui pour prendre au sérieux le pseudo-extermination des Amalécites telle qu’elle est décrite, sinon les païens et athées de mauvaise foi ? Les quatre sens de l’Ecriture, etc.

Non, lis l’itw en entier, tu verras qu’il ne fait aucune assimilation entre judaïsme t christianisme d’un côté, et islam de l’autre - qu’il ne considère d’ailleurs pas tout à fait comme une religion, mais comme une norme.

Et il n’y a rien de caricatural. C’est historique, bien au contraire.

C’est dans L’Express : http://www.lexpress.fr/actualite/societe/religion/le-fanatisme-religieux-est-fondamentalement-athee_1928748.html

Islam : Faux, le dieu de l’islam n’est pas patriarche. C’est une déformation christocentrée de croire ça.



FG : Je parlais bien d'anathemes ET d'holocaustes. Tu me prends pour un idiot ?

N'as-tu pas lu ces interminables récits de massacres de milliers d'animaux ? Ce n'est pas violence peut-être ?

X : Ces récits ne sont pas interminables, d’une part. D’autre part, ces offrandes ont un rôle, notamment celui d’éviter le massacre de son voisin et dans ce sens, c’est meilleur. Enfin, elles sont consommées, donc utiles à la vie.

C’est violence, mais moindre, donc c’est amélioration.

FG : N'importe quoi. Ces violences sont concomitantes. Anathèmes et holocaustes. (Idem en islam d'ailleurs, religion de l'égorgement sacrificiel où on passe facilement de l'ovin à l'humain comme nous le rappelait notre très peu suspect d'islamophobie professeur Bruno Etienne).

Et il n'y a pas que les Amalécites. Relis toute la conquête de Canaan. Où Dieu punit de mort la moindre pitié-faiblesse pour l'ennemi.

X : N’importe quoi. Il n’y a jamais eu de sacrifices humains dans le judaïsme.

Et personne, sinon les sots, n’a jamais pris au pied de la lettre le récit de la conquête de Canaan. Ni les croyants, ni les historiens.

FG : On peut assimiler les anathèmes à une forme de sacrifice (total - humain et animal d'ailleurs).

On se fout de l'aspect historique ou littéral. Ce qui est intéressant, c'est l'aspect symbolique et moral.

Quant à la prise au sérieux, tu devrais te pencher sur les prêches de certains rabbins israéliens et les revendications de certains groupes sionistes religieux...

X : Ah, super. Qu’en ai-je à foutre de ces rabbins tarés ? Je dis justement que seuls les sots…

Assimiler à un sacrifice total : comment ?

L’aspect symbolique et moral consiste précisément dans une émergence de la pensée non-violente. Ce que raconte entre autres la Bible.

FG : Je ne disais nulle part qu'il y avait de sacrifice humain dans le judaïsme, mais puisque tu en parles, oui, on peut assimiler les anathèmes des villes cananéennes à des sacrifices humains (et animaux etc. - bref totaux) demandés par Dieu : ces massacres absolus sont inhumains et irrationnels - tout doit y être sacrifié à Dieu.

Je n'ai pas de Bible sous les yeux, je ne vais donc pas reprendre ici point par point ces récits en montrant les structures et vocabulaires sacrificiels des anathèmes et en les mettant en rapport avec d'autres passages concernant les sacrifices animaux et notamment les holocautes, et puis ça me saoule.

Mais ce sont les mêmes structures récitatives dans l'ordre donné par Dieu des anathèmes et l'ordre donné par Dieu des holocaustes.

Et si les holocaustes remplacent les anathèmes, le massacre des animaux celui des humains, c'est qu'il y a homologie entre les deux justement.

S'il y a évolution symbolique et morale, c'est qu'il y a passage justement du sacrifice humain eu sacrifice animal puis au sacrifice moral à travers un ultime sacrifice humain ou divino-humain montrant l'inanité des sacrifices et en même temps leur permanence structurelle (puisqu'il faut un sacrifice non sanglant remémorant un sacrifice sanglant etc. Bref Girard, ses géniales intuitions et ses contradictions.

Oui, l'émergence de la pensée non violente, dans le christianisme et une part du judaïsme, dans une partie de l'hindouisme tardif, du taoïsme, dans le bouddhisme et le jaïnisme bien davantage.

Ce qui n'empêche en rien les christianismes, judaïsmes, hindouismes, bouddhismes etc. réels et historiques d'être régulièrement ultra violents.

Comme les paganismes etc.

Alors ces conneries sur la religion violente de la mère contre la religion non-violente du père... Bullshit.

X : Non, pas bullshit du tout, parce qu’il parle de la destruction psychique à l’intérieur de l’humanité elle-même par la disparition de la différenciation sexuée, notamment.

FG : Mais on est en plein dans le symbolique, dans du Maffesoli, ou de l'Eliade au mieux - dieu père et déesse mère, etc.

Je ne vois pas en quoi on pourrait accuser le "paganisme" ou le "gaïanisme" de refus de la différenciation sexuée, d'ailleurs.

On pourrait (et cela a été fait) en accuser aussi facilement le "judéo-christianisme" - idéalisme, mépris du corps, refus du sexe, "il n'y a plus ni homme ni femme", spiritualisme, célibat, "eunuque pour le royaume des cieux", "au ciel on ne prend ni mari ni femme", etc.

Comme on pourrait (et cela a été fait) l'accuser d'"égalitarisme", etc.

Toutes ces discussions et surtout affirmations et oppositions sont vaines, au fond.

N'y participer que pour montrer leur vanité.

Moi, ce qui m'intéresse, c'est la formation d'une sensibilité profondément écologique - peu importent les motivations spirituelles, religieuses, philosophiques, scientifiques - peu importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse.

Cf. Arne Naess, la "plate-forme" de l'écologie profonde. (ou, loin de tout anti-christianisme supposé, il montre dès le début qu'on peut être chrétien et deep ecologist par exemple).

X : Par ailleurs, l’holocauste est lui-même réprouvé à l’intérieur de la Bible. « Je ne veux ni sacrifice, ni holocauste, etc. »

FG : Oui, ensuite. Très bonne évolution. La Bible n'est pas un bloc, bien sûr.

Ce que je récuse, ce sont ces confrontations caricaturales bloc par bloc comme fait Marion. Et tant d'autres.

X : Il juge psychanalytiquement.

FG : Oui, c'est ça. Grossièrement, quoi. On peut dire ce qu'on veut en pseudo-psychanalysant. C'est la grossière confrontation caricaturale des "chrétiens" et des soi-disant "païens", "new age", etc. On inverse les polarisations mais on tient grosso modo le même discours. "Dieu le Père" contre "Déesse Mère", etc. Freud et Jung, etc.

La psychanalyse est la mythologie européenne du XXème siècle. Qui s'entend très bien avec les religions.

Un discours explicatif pseudo scientifique mais magico-symbolique au fond.

Religieux.

X : Il n’y a pas de soi d’opposition symbolique-scientfique. Au contraire.

FG : Discours psychanalytique type.

Là dessus, je suis plutôt poppérien.

Ou discours religieux type.

X : Eh oui. Contre discours scientiste-type.

FG : Non. Je ne suis ni scientiste ni scientifique. Je suis "symboliste" et "symbolique" - comme en témoignent mes écrits. Et je ne nie en rien la centralité du symbolique chez l'humain. Ni la part symbolique du scientifique. Ni les tentations ou dérives symbolisantes du scientifique ("scientisme"). Et inversement ("psychanalyse" entre autres). Mais je ne confonds pas les deux discours.

Pour ma part, je m'essaie à la philosophie (et notamment philosophie de l'écologie, de la nature, etc.). Jonction mais aussi (tentation de, risque de) confusion du savoir, de la sagesse et de la science. Distinction et liaison donc. Du moins tentative.

Mon texte dans Krisis ressort pleinement du symbolique et tente d'être philosophique.