Avec la nuit vient la peur. Toujours, quand la forêt m’entoure. Le chemin luit à peine, et sur ses phosphorescences se détachent des ombres mobiles, comme autant d’inquiétantes créatures. Ma lampe éclaire à droite, à gauche, puis se fixe, traçant un sentier imaginaire sur l’humus brun, creusant un couloir de lumière entre les troncs noirs. Je marche une centaine de mètres au plus, pour me cacher sans m’isoler. Au lieu le plus propice, je monte la tente et je rassemble un bon tas de bois pour la flambée. Je ne parle pas. Je ne chante pas. Je surveille mes pas, à chaque instant. Ne pas faire de bruit. Prendre garde à la branche morte qui craque. Ecouter. Ecouter intensément. Ecouter au-delà du crépitement du feu. Ecouter au-delà de sa lueur. Ecouter au loin. Ecouter devant soi. Ecouter derrière soi. Jamais en soi. Faire silence. Rester aux aguets. Surveiller le cercle. Ce premier cercle tout autour. Et ce cercle qui l’encercle. Et ainsi de suite.

Quand la flamme s’éteint, accueillir l’obscurité. Accepter la fragilité. Demander le sommeil. S’en remettre à Dieu. Faire confiance. La paix ne tardera pas…



Marc-Henri Picard, Où traîne encore le cri des loups, L’Oeuvre, 2009.