Permettez-moi, puisqu'à la lecture de votre site je constate votre goût pour les citations des croyants d'hier qui parlent aux catholiques d'aujourd'hui, de vous soumettre ce très bel extrait de Joséphin Péladan, Anarchriste à sa manière, qui nous livre ces quelques lignes que je trouve très émouvantes sur le sort réservé aux taureaux des corridas.

Mérodack était livide; un tremblement remuait ses lèvres pâlies ; Marestan regardait, fasciné. De nouvelles banderilles hérissaient le cou du sublime animal dont la robe se zébrait des coulées de sang. — « La Mort! la Mort ! » hurla la foule. El Cocolo commença son travail ; la muleta rouge à la main, l'épée tenue de l'autre derrière le dos comme une canne, il fit passer et repasser l'étoffe éclatante devant le taureau ahuri, augmentant son vertige un quart d'heure durant, et puis, triomphalement, il planta la lourde épée au défaut de l'épaule, à la bonne place : l'animal tomba à genoux, foudroyé. Alors, l'homme continua à remuer la muleta devant ses yeux expirants,

« La Croix! la Croix! ô Sacrilège! » mâchonnait Mérodack et il montrait du doigt l'épée plantée dans la nuque brune et dont la garde étincelante, sous la lumière, formait le signe rédempteur. Déjà les cigares, les chapeaux, les mouchoirs volaient dans l'arène. Si ces dix-huit mille chrétiens avaient pu jeter leur âme, ils l'eussent fait.

Le dernier Bourbon (1895)

Quoi de mieux pour l'illustrer que de l'accompagner par le portrait de l'auteur en personne, empreint d'une gravité sans pareille.

Alexis Judet