L'anarchisme chrétien fait un buzz

Une semaine avant les élections législatives, le livre « politique » qui suscite le plus d'intérêt chez les chrétiens, c'est celui écrit par Jacques de Guillebon et Falk van Gaver sur ... l'anarchisme chrétien des deux siècles passés. Succès éditorial, bien écrit, il crée aussi une unanimité surprenante dans la presse confessionnelle de tous bords, de Témoignage chrétien à La Nef, en passant par maints blogs, et, bien entendu, La Vie. Pour notre chroniqueur Jean-Claude Guillebaud, enchanté par le livre (pour lire, l'article, il suffit de s'identifier), ces anarchistes chrétiens, si méconnus, ont une « indélogeable conviction » : « Le message évangélique est dangereux, dérangeant, subversif, décisif ». Une radicalité mise en avant par les têtes d'affiche que l'on connaît, superbement abordées dans le livre, comme Charles Péguy, Georges Bernanos ou Jacques Ellul. Des groupes et mouvements ont joué un rôle politique fondamental, mais toujours en dehors des Eglises. Dans un article à Témoignage chrétien, le journaliste Arthur Lamaze le rappelle : « Les anarchistes, eux, savent tous qu’il y a eu – et qu’il y a encore… – quelques originaux parmi eux qui se réclament de Jésus Christ. On les regarde avec curiosité, on se moque d’eux plus ou moins gentiment, mais surtout on fait semblant de ne pas les voir… Et pourtant, ils existent : tolstoïens non-violents, Jesus Freaks altermondialistes, Catholic Workers anti-guerre, dé­crois­sants méditatifs… » Autre rôle fondamental joué par les anarchistes chrétiens : contribuer à faire admettre à l'Eglise – comme à l'Etat ! - la nécessité de limiter son pouvoir, suivant l'exemple du Christ, et sans oublier qu'il y a toujours une loi divine supérieure. L'un des co-auteurs, Jacques de Guillebon, l'explique lui-même dans la revue de La Nef, où il est également chroniqueur : « Pourtant, on constate avec l’histoire que tous les pouvoirs, même s’affirmant chrétiens, ont succombé aux tentations de la toute-puissance : qu’il s’agisse des Empereurs germaniques ou des rois des France centralisateurs à la Philippe le Bel, quelle structure a résisté à s’arroger les droits mêmes de l’Église ? Longtemps, celle-ci est parvenue à les amener à Canossa. La situation contemporaine est fort différente, puisque ces pouvoirs, qui ne reconnaissent plus de loi divine supérieure, se moquent des prétentions de l’Église. C’est pourquoi ils sont intimement condamnables et il faut chercher non seulement à les remplacer, mais à les remplacer par une autorité qui soit plus chrétienne que jamais, c’est-à-dire foncièrement limitée. Dieu n’a pas voulu donner aux Juifs des rois, mais des Juges. » Un livre à méditer donc et qui permet de sortir carrément, une fois n'est pas coutume, du clivage gauche-droite !