Toute cette masse dormante, encore çà et là agitée par des souvenirs, par de lentes irisations de rêves, par des réflexes nerveux, par de faibles clapotis, est pansée dans ses divers pavillons par une armée d’infirmiers agiles, résolus et avertis. L'envie de bouger est de plus en plus compensée par une certaine paresse, résultant de l'indifférence, à changer de place, aidée sur les ondes de la radio par une espèce de musique ininterrompu et de défilé de films. Tout gît à plat, comme charmé. Personne au fond n'a vraiment besoin de quoi que ce soit. Il fait bon. Il n'y a plus aucune possibilité d'autre chose. Aucun horizon n'empêche plus la pensée de revenir indéfiniment sur elle même.

Paul Claudel, Paul Claudel interroge l'apocalypse, Gallimard, 1952.