Poème pour une réconciliation
Nuit et silence dans l'Emek (1)
Les arbrisseaux boivent la Lune,
Terre argileuse après l'averse
Déchirée et bouleversée.
Pelotonnées les maisons dorment
Tels des enfants dans la nuit mère,
Quel feu va répandre la peur
Retiens ta main, incendiaire,
Toi l'homme de peine du cheikh,
Ton frère travailleur t'appelle,
Ne grave pas sur toi le signe de Cain,
Pour peindre de flammes le ciel.
Ton frère n'a d'autre foyer
Que celui qu'il lui faut construire,
Et dans l'Emek il a semé
Défrichant la terre et la pierre.
Retiens ta main, vaine est la haine,
Frère tends la main comme un frère,
Pour aller vers l'aube en commun,
Labourer ensemble la terre.
A qui est ce pays de pierre,
C'est Jénine et Dégania,
Notre vérité fraternelle
Pays pour la main et pour le travail.
N'écoutez pas frère, à qui la faute,
Il n'est pas des mains d'empoisonneur,
Mais aussi Dégania, Hudlas, Akron (2),
Mes frères, tous ceux du labeur.
Nuit et silence, arbres, moissons,
Troupeaux paissant parmi les pierres,
Brûle mon coeur dans le feu de L'Emek
Pour le crime de l'incendiaire.
1) La vallée de Jezrael où s'installèrent les premiers Kibboutzim.
2) Noms de Kibboutzim
Ephraim Auerbach (1892-1973), Nuit et silence in Anthologie de la poésie yiddish, traductions de Charles Dobzynski, poésie Gallimard.