Quel déluge oral, rite électoral,

Yankee Doodle et sa politique !

Quel rude estomac, que rien n'entama,

Peut supporter sans crever cet amas

De tant de mensonges cyniques !

Exprimé, imprimé, trié,

En grêle le mensonge pleut,

Yankee enfiévré, tel un lévrier

Bondit vers son os et fait frétiller

En se frottant à vous sa queue.

La démocratie dont la panse éclate

Émet des mots comme un vomissement,

Des mots pour tromper qui vont s'agripper

Aux corps faibles qui sans piper

Les avalent aveuglément.

Ils s'en vont voter, sans même roter,

Sans se douter qu'il ne sont que jobards

Pour le nanti de vorace appétit

Chasseurs, valets, voleurs et mercantis,

Dans cette foire du dollar.

Parce qu'ils croient ceux dont ils sont la proie,

Leur chair, leur vie, leur rêve sans limite,

Ce qui leur revient marchandise devient

Tel Esau dans la Bible, ils n'ont rien

Que lentilles rouges dans leur marmite.

Et les juifs roués, tressant des fouets

Pour l'ouvrier de ce pays, leur frère,

Et les fils d'Erin, tels de veaux sereins,

À leur boucher qui vont prêter la main

Pour un bol de potage clair.

Et le Yankee règne à la même enseigne

Pour devise il a "donne et prends"

Enfants ou parents, tous les immigrants

Sont à ses yeux bâtards petits et grands

De son bien-aimé Oncle Sam.

Quel déluge oral, rite électoral,

Yankee Doodle et sa politique !

Démocrates, acrobates,

Le Diable les traque et les batte,

Ouvrier, donne leur la trique !

Morris Vintchevski (1856-1932), Foire politique (1927) in Anthologie de la poésie yiddish, traductions de Charles Dobzynski, poésie Gallimard.