« On voit en quoi le christianisme précéda, en quoi il repoussa les doctrines du socialisme. Ce qu’il introduisit, ce qu’il propagea sous toutes les formes, au temporel comme au spirituel, ce fut l’esprit d’association. Tandis que les législateurs modernes poursuivent l’idéal d’un ordre politique où l’Etat ne trouve en présence de lui-même que des individus dont l’insubordination ne le mettra jamais en péril, l’Eglise, au contraire (…) ne craignait pas d’autoriser, de multiplier dans son sein toutes les sortes de communautés. (…) Nous avons vu le christianisme, ce gardien sévère de la liberté, de la propriété, de la famille, prêcher cependant l’abnégation, honorer la pauvreté, et faire de la communauté un idéal qu’il s’efforce de réaliser (…) par les institutions monastiques ». « La fraternité chrétienne n’eut jamais d’image plus parfaite que cette église primitive de Jérusalem, où toute la multitude de ceux qui croyaient n’avaient qu’un cœur et qu’une âme, et où l’on ne voyait point de pauvres, parce que tous ceux qui possédaient des terres ou des maisons les vendaient et en apportaient le prix. « Ils le mettaient au pied des apôtres, et on le distribuait à chacun selon son besoin ». On a beaucoup abusé de cet exemple et reproché aux chrétiens d’être bientôt devenus infidèles aux traditions de leurs premiers jours. On n’a pas pris garde qu’à la différence de la communauté de Platon, celle de Jérusalem n’avait rien d’obligatoire, et que non seulement elle n’invoquait point la sanction de la force publique, mais qu’elle n’engageait pas même les consciences. (…) Dans l’Eglise la propriété est le droit commun comme le mariage, la communauté comme la virginité est le partage du petit nombre ».

« La communauté primitive du paradis terrestre, comme celle de Jérusalem, était un idéal trop élevé pour que la sagesse populaire du christianisme espérât jamais en faire la loi commune du genre humain. Le clergé séculier était lui-même plus près de la terre, plus mêlé aux intérêts, aux passions de la foule, qu’il ne fallait pour le maintenir dans une condition si difficile. La loi religieuse qui lui interdit le mariage n’osa pas lui interdire la propriété. Mais le christianisme, ne pouvant renoncer à cette perfection dont la pensée le poursuivait, avait pris ses mesures pour que l’image s’en conservât dans les monastères. »

« Saint Thomas (…) n’hésite pas à reproduire ces paroles de Saint Basile et de Saint Ambroise : « Le pain que vous gardez, c’est celui des affamés » (…). Les socialistes ont connu ces textes, ils en ont abusé. Mais saint Thomas les explique en les complétant par d’autres paroles de saint Basile (…et) conclut que de droit naturel le superflu des riches est dû aux nécessités des pauvres ; mais parce qu’il y a beaucoup de nécessités, et que le bien d’un seul ne peut suffire à toutes, l’économie de la providence laisse à chacun la libre dispensation de son bien. Cette distinction (…) concilie l’apparente contradiction de la justice et de la charité ; elle conclut au dépouillement volontaire au lieu de la spoliation, et au sacrifice au lieu du vol. »

Frédéric Ozanam

Les Origines du socialisme

« On vit une vie industrielle et matérielle ; chacun avise à sa commodité personnelle, à son bien-être particulier, et puis, quand messire « gaster » est satisfait, quand le coffre-fort est plein, on fait de la politique autour des cheminées ou des tables de billard, on parle beaucoup de liberté sans y rien comprendre ».

Lettre à ses amis Fortoul et Huchard, 15 janvier 1831

« Passons aux barbares ».

Le Correspondant, 1848.