Sa gloire sera toujours souillée de sang : quelque insensé chantera peut-être ses victoires ; mais les provinces, les villes, les campagnes en pleureront ; on lui dressera des monuments superbes pour immortaliser ses conquêtes ; mais la désolation de tant de campagnes dépouillées de leur ancienne beauté, mais les ruines de tant de murs sous lesquelles des citoyens paisibles ont été ensevelis, mais tant de calamités qui subsisteront après lui, seront des monuments lugubres qui immortaliseront sa vanité et sa folie. Il aura passer comme un torrent pour ravager la terre, et non comme un fleuve majestueux pour y porter la joie et l’abondance : son nom sera écrit dans les annales de la postérité parmi les conquérants, mais il ne le sera pas parmi les bons roi ; et l’on ne rappellera l’histoire de son règne que pour se rappeler le souvenir des maux qu’il a faits aux hommes. Ainsi son orgueil, dit l’esprit de Dieu, sera monté jusqu’au ciel ; sa tête aura touché dans les nuées ; ses succès auront égalé ses désirs ; et tout cet amas de gloire ne sera plus à la fin qu’un monceau de boue qui ne laissera après elle qu’infection et opprobre.

Jean-Baptiste Massillon. Sermon sur les tentations des grands. 1718.