Chacun, suivant ses inclinations et aversions respectives, tiendra le christianisme plutôt à gauche ou à droite. Le chrétien de gauche entendra plutôt l’Evangile des pêcheurs et des pécheurs, du bon larron, de la femme adultère et de la pécheresse, de la pauvre veuve, le Christ radical du superbe film L’Evangile selon saint Matthieu de Pier Paolo Pasolini, les riches et pharisiens et chassant du Temple les marchands, s’il est de tendance plutôt révolutionnaire ou anarchiste, ou, s’il est plus pacifiste et progressiste, le sentimental Jésus de Nazareth de Franco Zeffirelli mangeant avec les publicains et frayant avec les prostituées… Un Jésus de pardon, d’amour, de compassion, de miséricorde, voire de compréhension et de tolérance, un Jésus humain (trop humain ?), un Jésus Fils de l’homme et frère des hommes, celui qui dit : « Je vous appelle amis… » Un Jésus fraternel, pacifiste, non-violent, un grand-oncle tolstoïen de Gandhi, ou un Christ barbu premier révolutionnaire, c’est selon (quoique le premier soit plus courant que le second désormais, la gauche extrême s’étant un tant soit peu ramollie et les courants les plus excités de la « théologie de la libération » ayant fait long feu depuis longtemps…). Alors que le chrétien de gauche insistera davantage sur l’aspect horizontal, humain, humanitaire et social, de l’Evangile, le chrétien de droite mettra davantage en avant son aspect divin, spirituel et moral. Jésus Fils de Dieu, le Christ vrai Dieu et vrai homme, voilà ce qui l’intéresse. Le Christ priant, enseignant, guidant, fondant l’Eglise, donnant à Pierre les clefs du Royaume, le Christ parlant d’autorité, accomplissant des miracles, chassant les démons, radicalisant les exigences morales de la loi mosaïque, rappelant la dignité du mariage, l’horreur de l’adultère, le Christ se sacrifiant, agonisant, le Christ à Gethsémani et au Golgotha, mourant sur la croix, mis au tombeau, descendu aux enfers, ressuscitant le troisième jour… Le Christ juge qui trône avec le Père et qui reviendra juger l’univers… Le Christ-Roi… Christus vincit, Christus regnat, Christus imperat !...

Un chrétien doit-il être de gauche ou de droite ? Ni l’un ni l’autre ! Cependant, si la gauche, de par ses inspirations anticléricale, aussi diverses soient-elles (Lumières, jacobinisme, radicalisme, maçonnisme, marxisme, etc.), est essentiellement de tradition antichrétienne et promeut des valeurs non-négociables contraires à l’Evangile et à l’Eglise (divorce, homosexualité, avortement, contraception, euthanasie, etc.), il est impossible d’être chrétien et de gauche à la fois de façon cohérente : même si l’on se croit tel, soit l’on est vraiment chrétien et alors on n’est pas vraiment de gauche, soit on est vraiment de gauche et alors pas vraiment chrétien… Dès lors un chrétien cohérent, sans se vouloir de droite pour autant, est forcément repoussé comme malgré lui à droite de l’échiquier politique. Et, la dite droite officielle, la droite libérale suivant sur nombres de questions fondamentales comme celles évoquées plus haut les idées de la gauche, et montrant même avec elle une collusion anthropologique fondamentale, il se retrouvera même à la droite de la droite, dans cette frange resserrée entre vraie droite, droite dure et extrême-droite : bref, dans cette vague droite nationale qui se situe entre la branche conservatrice de la majorité au pouvoir, les quelques initiatives minoritaires du souverainisme, et le national-populisme. Sans militer pour autant dans des partis, il ne peut, s’il vote et veut voter en âme et conscience, que voter pour ces mouvements-là. Doit-il pour autant s’y laisser enfermer ? Non ! L’action chrétienne politique, économique et sociale doit être multiforme et investir toute l’épaisseur de la société, et cela en tant que chrétienne. Elle doit aller partout où elle peut et frapper à toutes les portes, suivant en cela l’exemple des soixante-douze disciples envoyés en mission par Jésus , sans hésitation ni compromission.