L’humanité se trouve entraînée, de plus en plus, vers un statut ‘‘concentrationnaire’’, et comme ‘‘encagée’’ dans la cage des forçats partant de St-Martin-de-Ré pour la Guyane. ‘‘Presse’’ et traite des ‘‘esclaves’’ depuis le XVIe siècle, empilés méthodiquement dans les mines, plantations et usines, encasernement pénitentiaire des militaires et des écoliers, camps hitlériens du travail forcé, font entrevoir, avec les progrès de l’action à distance et des robots, radio, télévision, télédirection, notre incarcération intégrale, sur place : même sans ‘‘mise à disposition’’ corporelle préalable, dans une sorte de ‘‘pressoir social’’ , de geôle d’enregistrement taylorisé et productiviste, ’’qu’un horizon sanglant ferme de toutes parts’’.

La multiplication des réseaux d’intercommunication qui nous déracine de plus en plus depuis un siècle (réseau ferroviaire en France après 1840) accélère notre embrayage sous les maillons d’une chaîne sans espoir, d’où nous ressortons morts, éjectés et vidés, comme les tas de boites de conserves aux portes des entrepôts.

Louis Massignon. Extrait de Notre-Dame de la Salette. Dieu Vivant, cahier 7, 1948, pp. 19-33. Repris dans OPERA MINORA III, p 753, PUF, 1963.