Au-delà de l'athéisme : le non-théisme. Je ne suis pas athéiste, je suis terréiste. Soyez fidèle à la Terre.
Edward Abbey, Désert solitaire
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Au-delà de l'athéisme : le non-théisme. Je ne suis pas athéiste, je suis terréiste. Soyez fidèle à la Terre.
Edward Abbey, Désert solitaire
"A chaque époque, il faut tenter de refaire la conquête de la tradition, contre le conformisme qui est train de la neutraliser."
Walter Benjamin, Sur le concept d'histoire (1940)
Nous avons besoin de la nature, que nous y mettions le pied ou non. Il nous faut un refuge même si nous n'aurons peut-être jamais besoin d'y aller. Je n'irai peut-être jamais en Alaska, par exemple, mais je suis heureux que l'Alaska soit là. Nous avons besoin de pouvoir nous échapper aussi sûrement que nous avons besoin d'espoir.
Edward Abbey, Désert solitaire
Au-delà du mur de la ville irréelle, au-delà des enceintes de sécurité coiffées de fil de fer barbelé et de tessons de bouteille, au-delà des périphériques d’asphalte à huit voies, au-delà des berges bétonnées de nos rivières temporairement barrées et mutilées, au-delà de la peste des mensonges qui empoisonnent l’atmosphère, il est un autre monde qui vous attend. C’est l’antique et authentique monde des déserts, des montagnes, des forêts, des îles, des rivages et des plaines. Allez-y. Vivez-y. Marchez doucement et sans bruit jusqu’en son cœur. Alors… Puissent vos sentes être légères, solitaires, minérales, étroites, sinueuses et seulement un peu en pente contraire. Puisse le vent apporter de la pluie pour remplir les marmites de grès lisse qui se trouvent à quatorze miles derrière la crête bleue que vous apercevez au loin. Puisse le chien de Dieu chanter sa sérénade à votre feu de camp, puisse le serpent à sonnette et la chouette effraie vous distraire dans votre rêverie, puis le Grand Soleil éblouir vos yeux le jour et la Grande Ourse vous bercer la nuit.
Edward Abbey, Un fou ordinaire
Je ne suis pas ici seulement pour échapper un temps au tumulte, à la crasse et au chaos de la machine culturelle, mais aussi pour me confronter de manière aussi immédiate et directe que possible au noyau nu de l'existence, à l'élémentaire et au fondamental, au socle de pierre qui nous soutient. Je veux être capable de regarder et d'examiner un genévrier, un morceau de quartz, un vautour, une araignée, et de voir ces choses comme elles sont en elles-mêmes, vierges de toute qualité attribuée par l'homme, catégories scientifiques comprises. Voir Dieu ou la Méduse face à face, même si cela implique de risquer tout ce que j'ai d'humain en moi. Je rêve d'un mysticisme âpre et brutal dans lequel le moi dénudé se fonde dans un monde non humain et y survit pourtant, toujours intact, individué, discret. Paradoxe et socle de pierre.
Edward Abbey, Désert solitaire
La planète est plus grande que nous ne l'avons jamais imaginée. Le monde est plus froid, plus ancien, plus étrange et plus mystérieux que nous ne l'avons jamais rêvé. Et nous, misérables créatures humaines avec nos innombrables outils et jouets et peurs et espoirs ne sommes qu'une petite feuille sur le grand arbre efflorescent de la vie.
Edward Abbey, Un fou ordinaire
Je n'imagine pas le monde s'améliorer. Comme toi, je le vois plutôt empirer. Je vois la liberté qu'on étrangle comme un chien, partout où mon regard se pose. Je vois mon propre pays crouler sous la laideur, la médiocrité, la surpopulation, je vois la terre étouffée sous le tarmac des aéroports et le bitume des autoroutes géantes, les richesses naturelles vieilles de milliers d'années soufflées par les bombes atomiques, les autos en acier, les écrans de télévision et les stylos-billes. C'est un spectacle bien triste. Je ne peux pas t'en vouloir de refuser d'y prendre part. Mais je ne suis pas encore prêt à battre en retraite, malgré l'horreur de la situation. Si tant est qu'une retraite soit possible, ce dont je doute.
Edward Abbey, Seuls sont les indomptés
Je veux être capable de regarder et d'examiner un genévrier, un morceau de quartz, un vautour, une araignée, et de voir ces choses comme elles sont en elles-mêmes, vierges de toutes qualité attribuée par l'homme, catégories scientifiques comprises.
Edward Abbey, Désert solitaire
Véritable patriote autochtone, Smith ne faisait serment d'allégeance qu'à la terre qu'il connaissait, pas à cette enflure farcie de propriétés privées et d'industries, terre d'exil d'Européens déplacés et d'Africains inopportunément transplantés, connue collectivement comme les Etats-Unis.
Edward Abbey, Le gang de la clef à molette
La surface des choses m’apporte suffisamment de bonheur. À dire vrai, elle seule me paraît avoir une quelconque importance. Des choses comme une main d’enfant qui serre la vôtre, la saveur d’une pomme, l’étreinte d’un ami ou d’une amante, la douceur soyeuse des cuisses d’une jeune femme, le coucher de soleil sur la roche et les feuilles, l’entrain de telle musique, l’écorce de cet arbre, la lente abrasion du granite et du sable, une chute d’eau cristalline dans une marmite de grès, le visage du vent : qu’existe-t-il d’autre ? De quoi d’autre avons-nous besoin ?
Edward Abbey, Désert solitaire
Non, le monde sauvage n'est pas un luxe, mais une nécessité de l'esprit humain, aussi vitale pour nos vies que l'eau et le bon pain.
Edward Abbey
Croire en Dieu ? En une vie après la mort ? Je crois en ce rocher qui est sous mes pieds.
Edward Abbey
Que puis-je dire à ces gens ? Comment puis-je libérer, désincarcérer ces mollusques à roulettes enfermés dans leurs coquilles de métal hermétique ? La voiture comme boîte de conserve, le ranger du parc comme ouvre-boîte. Hé ho ! ai-je envie de crier, hé ho les gars, bon sang sortez de vos foutues machines, enlevez-moi ces putains de lunettes de soleil et ouvrez grand les yeux, regardez autour de vous ; jetez-moi ces satanés foutus appareils photo ! Bon Dieu les gars, qu'est-ce que c'est que cette vie, si à tant s'inquiéter il n'est de temps pour s'arrêter, pour contempler ? Hein ? Enlevez un peu vos chaussures, descendez la braguette, pissez joyeusement, plantez les orteils dans le sable chaud, éprouvez-moi cette terre crue et rude, cassez-vous un peu les ongles de pied, que du sang coule ! Et pourquoi pas ? Bon sang, Madame, ouvrez-moi cette fenêtre ! Vous ne voyez rien du désert si vous ne le sentez pas. C'est poussiéreux ? Bien sûr que c'est poussiéreux – c'est l'Utah ! Mais c'est de la bonne poussière, de la bonne poussière rouge de l'Utah, riche en ferraille, riche en raillerie. Coupez-moi ce moteur. Sortez de cette caisse de tôle et étirez un peu ces jambes variqueuses, enlevez votre soutien-gorge et prenez un peu de soleil sur vos vieux trayons ridés ! Et vous, Monsieur, qui regardez la carte pendant que votre radiateur bout et qu'un tampon de vapeur bouche votre circuit d'essence, exfiltrez-vous de cette boîte de merde chromée siglée GM et allez marcher un peu – oui, laissez donc la vieille bourgeoise et les gnards hurlants, tournez-leur le dos et allez marcher droit dans les canyons, perdez-vous un moment, revenez quand foutu bon vous semble, ça vous fera sacrément bien à vous et à elle et à eux. Et aussi : lâchez un peu la grappe à vos enfants, laissez-les sortir, qu'ils aillent escalader les rochers et chasser les serpents à sonnette et les scorpions et les fourmis rouges – oui, Monsieur, laissez-les sortir, libérez-les ; comment osez-vous emprisonner des petits enfants dans votre foutue carriole toutes options sauf les chevaux ? Oui, Monsieur, oui, Madame, je vous en conjure, sortez de vos fauteuils roulants motorisés, levez vos culs vulcanisés, tenez-vous debout comme des hommes ! comme des femmes ! comme des humains ! et marchez – *marchez* – MARCHEZ sur notre terre douce et sacrée.
Edward Abbey, Désert solitaire
Nous nous soucions du temps. Si nous pouvions apprendre à aimer l'espace aussi profondément que nous sommes aujourd'hui obsédés par le temps, nous découvririons peut-être un nouveau sens à l'expression vivre comme des hommes.
Edward Abbey, Désert solitaire
C'est plus pratique de rester ici un moment, de gagner ma vie honnêtement à introduire un peu de philosophie dans le cerveau des futurs ingénieurs, des futurs pharmaciens et politiciens. Ne va pas croire un seul instant que je me prenne pour une sorte de héros anarchiste. Je ne compte pas lutter contre l'Autorité, du moins pas ouvertement. J'ouvre peut-être des brèches clandestines.
Edward Abbey, Seuls sont les indomptés
En vieillissant
l'esprit
se libère
rebelle
un aigle qui prend son envol
de la falaise
William Carlos Williams, Paterson
Hannah Arendt décrit assez justement, quoique brièvement, dans son article "Chrétienté et révolution", les raisons des conversions au christianisme des néo-catholiques Léon Bloy, Charles Péguy, Gilbert Keith Chesterton ou encore Jacq ues Maritain (elle évoque aussi Georges Bernanos, "un seigneur sans peur et sans reproche, que n'entrave aucune admiration pour "la grandeur historique" et que ne touche aucune attraction secrète pour le mal") - il me semble que ces raisons rejoignent, toutes proportions gardées, celles des conversions d'un Jacques de Guillebon, d'un Fabrice Hadjadj ou d'un Falk van Gavetr - et de quelques autres encore qui sont devenus chrétiens en tant que bloyens, péguystes, bernanosiens, chestertoniens... - antimodernes.
"Car ce n'était pas la démocratie que ces hommes haïssaient mais au contraire son absence. Ils n'étaient dupes ni des démocraties qui ressemblaient plus à leurs yeux à des ploutocraties ni des fioritures d'une république qui n'était guère qu'une machine politique. Ce qu'ils recherchaient, c'était la liberté pour le peuple et la raison pour l'esprit. ils furent d'abord guidés par une haine profonde de la société bourgeoise, qu'ils savaient être essentiellement antidémocratique et fondamentalement pervertie. Et l'objet de leur lutte fut toujours l'invasion insidieuse de la morale et des standards bourgeois dans tous les aspects de la vie et toutes les classes de la société. Ils luttaient en réalité contre une menace que pas un socialiste - dont le parti politique, selon Péguy, "est entièrement composé d'intellectuels bourgeois" - ne prit véritablement au sérieux, à savoir l'influence envahissante de la mentalité bourgeoise dans le monde moderne."
"Depuis le tournant du siècle ces convertis, semblerait-il, ont senti que leur propre champ d'action était la politique et que leur devoir était de devenir de véritables révolutionnaires, c'est-à-dire plus radicaux que les radicaux. Et en un sens ils avaient raison, raison au moins aussi longtemps qu'ils restèrent dans la négation pour mener leur offensive. Il était certainement plus radical de répéter qu'"il est plus facile pour un chameau de passer par le chas d'une aiguille que pour un homme riche d'entrer dans le royaume de Dieu" que de citer des lois économiques."
"Toute la culture occidentale se trouvant menacée une fois que l'autorité bourgeoise s'engageait sur la voie de l'impérialisme, il n'est pas surprenant que les armes les plus anciennes, les convictions fondamentales de l'humanité occidentale, aient suffi au moins à montrer l'étendue du mal.Le grand avantage de ces écrivains néo-catholiques fut d'avoir, lors de leur retour au christianisme, rompu avec le modèle de leur milieu plus radicalement qu'aucune autre secte ou aucun autre parti.Ce fut leur instinct de publiciste qui les poussa vers l'Eglise. Ils étaient à la recherche d'armes, et étaient prêts à les prendre où ils les trouvaient ; et ils en trouvèrent de meilleures dans le plus ancien des arsenaux que dans les demi-vérités rassises de la modernité. Publicistes et journalistes sont toujours pressés - c'est la maladie de la profession. Là se trouvaient des armes dont on pouvait s'emparer sans attendre : deux mille ans n'avaient-ils pas prouvé leur utilité ? Les meilleurs parmi les convertis savaient d'amère expérience qu'on se sentait mieux, plus libre et plus raisonnables en acceptant la grande exigence de la foi chrétienne plutôt qu'en acceptant le tumulte de modernisme, qui impose jour après jour plus fanatiquement une doctrine tout aussi absurde.
"Ils trouvaient plus dans le christianisme que l'utile dénonciation de la perversion de l'homme riche. L'accent mis par la doctrine chrétienne sur la condition restreinte de l'homme était une philosophie suffisante pour donner à ses adeptes une perception aiguë de l'inhumanité inhérente à toutes ces tentatives modernes - psychologiques, techniques, biologiques - de changer l'homme en un superman monstrueux. Ils s'aperçurent que la poursuite du bonheur qui voudrait chasser tout chagrin finirait rapidement par chasser toute gaieté. Ce fut à nouveau le christianisme qui leur apprit que rien d'humain ne peut exister au-delà des larmes et du rire, excepté le silence du désespoir. C'est la raison pour laquelle Chesterton, ayant une fois pour toutes accepté les larmes, put inclure le vrai rire dans ses plus violentes attaques."
"Si tel est le cas des publicistes et des journalistes parmi les néo-catholiques, celui des philosophes est légèrement différent et plutôt embarrassant. Les philosophes par définition sont censés ne pas être pressés. ... Il s'agit seulement de savoir si un philosophe est autorisé à chercher un refuge si rapidement et si brutalement. Il est vrai que les enseignements de l'Eglise représentent encore une citadelle de la raison humaine, et il est tout à fait compréhensible que, dans une lutte au jour le jour, des publicistes comme Péguy et Chesterton s'y soient retranchés le plus rapidement possible. Ce n'étaient pas des philosophes, et ils avaient surtout besoin d'une foi combattante. Ce que Maritain voulait, c'était une certitude qui l'arracherait aux complexités et aux confusions d'un monde où l'homme ne sait même pas ce que le mot vérité veut dire.
Mais la vérité est une déesse difficile à adorer parce que la seule chose qu'elle refuse à ses adorateurs est la certitude. La philosophie qui s'intéresse à la vérité a toujours été et sera probablement toujours une sorte de docta ignorantia - extrêmement savante et par conséquent extrêmement ignorante. Les certitudes de saint Thomas d'Aquin offrent un guide spirituel remarquable et restent bien supérieures à tout ce qui a été inventé à des époques plus récentes. Mais la certitude n'est pas vérité, et un système de certitudes est la fin de la philosophie."
Hannah Arendt, "Chrétienté et révolution" (The Nation, 161/12, 22 septembre 1945), in La philosophie de l'existence et autres essais, Payot, 2015
Savoir vivre sans les autres
Travailler seul (contre tous)
Savoir se servir d'une arme
Apprendre à déjouer les pièges de l'Etat
Fabriquer des explosifs avec des produits ménagers
Savoir faire sauter des infrastructures publiques ou privées
Fomenter des troubles
Faire démarrer une voiture sans clé
Rédiger des documents subversifs
Option 1 : Hacking et luddisme
Option 2 : Survivalisme et société
Inscriptions libres et révolutions permanentes
La montagne qu'il faut déplacer pour libérer le processus vers une éthique, c'est tout simplement ceci : cessez de penser au bon usage de la terre comme à un problème exclusivement économique. Examinez chaque question en termes de ce qui est éthiquement et esthétiquement juste autant qu'en termes de ce qui est économiquement avantageux. Une chose est juste lorsqu'elle tend à préserver l'intégrité, la stabilité et la beauté de la communauté biotique. Elle est injuste lorsqu'elle tend à l'inverse.
Almanach d'un comté des sables, Aldo Leopold, éd. Aubier, 1995 (ISBN 2700728475), partie III (« En fin de compte »), p. 283
Nous luttons tous pour la sécurité, la prospérité, le confort, la longévité et l'ennui. Le cerf lutte avec ses longues pattes souples, le vacher avec ses pièges et ses poisons, l'homme d'État avec son stylo, la plupart d'entre nous avec des machines, des bulletins de vote et des dollars, mais cela revient toujours à la même chose : la paix pour notre temps. Un succès relatif en ce domaine n'a rien de pernicieux, peut-être même est-il la condition nécessaire d'une pensée objective, mais une sécurité excessive ne recèle, semble-t-il, que des dangers à long terme. C'est peut-être cela, l'idée contenue dans la proposition de Thoreau : le salut du monde passe par l'état sauvage. C'est peut-être cela, le sens caché du hurlement du loup, bien connu des montagnes, mais rarement perçu par les humains.
Almanach d'un comté des sables, Aldo Leopold, éd. Aubier, 1995 (ISBN 2700728475), partie II (« Quelques croquis »), p. 172
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