Nous luttons tous pour la sécurité, la prospérité, le confort, la longévité et l'ennui. Le cerf lutte avec ses longues pattes souples, le vacher avec ses pièges et ses poisons, l'homme d'État avec son stylo, la plupart d'entre nous avec des machines, des bulletins de vote et des dollars, mais cela revient toujours à la même chose : la paix pour notre temps. Un succès relatif en ce domaine n'a rien de pernicieux, peut-être même est-il la condition nécessaire d'une pensée objective, mais une sécurité excessive ne recèle, semble-t-il, que des dangers à long terme. C'est peut-être cela, l'idée contenue dans la proposition de Thoreau : le salut du monde passe par l'état sauvage. C'est peut-être cela, le sens caché du hurlement du loup, bien connu des montagnes, mais rarement perçu par les humains.

Almanach d'un comté des sables, Aldo Leopold, éd. Aubier, 1995 (ISBN 2700728475), partie II (« Quelques croquis »), p. 172