Cher Camarade, tu cites souvent cette phrase de Péguy « seule la tradition est révolutionnaire… », Penses-tu alors à rebours qu'une révolution, une vraie révolution de complot qui fonctionnerait enfin, devrait donc être fatalement "royale", en tout cas "traditionnelle" pour réussir ?

Révolution, à l'origine, signifie dans l'ordre politique une restauration : c'est ainsi qu'on l'entend au dix-septième siècle. Ce n'est qu'avec les révolutions américaine et surtout française du dix-huitième siècle qu'elle a signifié un bouleversement total, un recommencement radical, tabula rasa, année zéro, calendrier nouveau, etc. ... Et là-même, l'idée de révolution signifiait un retour aux sources, un retour à l'origine, une refondation, etc. - d'où la Révolution française jouée en costume romain de Marx. Cette idée reste même présente dans les révolutions russes, notamment dans leurs composantes populistes, anarchistes, nihilistes, socialistes - revenir au mir, la terre commune des paysans, retrouver la justice originelle, le communisme primitif, avant l'appropriation, la division, les inégalités, etc. La révolution a donc quelque chose à voir avec la tradition des origines, la transmission de la source. On peut affirmer aussi que seule la révolution est traditionnelle, et que nous avons sans nulle doute plus que jamais besoin de renouer avec la grande tradition des révolutions - l'ethos contemporain étant permissif-contrôlé, sociétal-totalitaire, conforme-revendicatif, etc., tout ce que tu voudras - mais tout sauf révolutionnaire !

J'aime bien l'idée de complot populaire (les serments des luddites !), de conjuration à ciel ouvert, et toute révolution à venir ne pourra que s'enraciner dans le sentiment populaire réel, la common decency, le sentiment de justice - et surtout d'injustice - des petites gens, petits bourgeois, petits blancs et assimilés, prolétaires et prolétaroïdes, chômeurs, chômistes, intellectuels déclassés, filles mères, péquenauds et autres "périphériques", etc., bref dans les valeurs morales élémentaires qui restent, n'en déplaise à la "militance sociétale" des LGBT, très traditionnelles : justice, courage, virilité/féminité, amitié, violence, solidarité, etc.

Bref, les valeurs des classes populaires démolies qu'exprimait assez bien en contexte américain le roman de Chuck Palahniuk Fight Club... Un populisme assumé et offensif. Je crois beaucoup à la réappropriation populaire et à la dissémination de pratiques communautaires autonomes ou tendant à l'autonomie : potagers collectifs, élevages locaux, échanges directs, assemblées locales, clubs de boxe, clubs de tir, associations de chasseurs, gangs de motards, formations survivalistes, etc. Il faut y aller tous azimuts, à la base, en ignorant royalement toutes les étiquettes pseudo-partisanes.

La révolution passera par cette réappropriation, cette reviviscence, cette réinvention des traditions d'autonomie populaire, des traditions à proprement et pratiquement parler libertaires.

Il y a toutes sortes de révolutions : des révolutions nobiliaires, bourgeoises, libérales, nationales, conservatrices, industrielles, etc. La révolution à venir viendra d'une réaction populaire et transpartisane - supra- ou infra-partisane. Elle va agglomérer les sentiments (et je parle bien de sentiments, la politique du peuple étant une politique des sentiments) populaires/populistes, anarchistes/anarchisants, antieuropéistes, anticapitalistes, antiétatistes, antitechnocrates, anti-impérialistes, antilibéraux, provinciaux, régionaux/régionalistes, locaux/localistes, ruraux/ruralistes, moraux/moralistes, justicialistes, patriotiques, et même des relents xénophobes et racistes, etc., et, pas bégueule pour un sou, elle prendra tout : des troskistes, des frontistes de gauche ou nationaux, des cégétistes, des communistes, des abstentionnistes, des droitards, des gauchistes, des écolos, des roycos, des cathos, des laïcards, des rien du tout, des sans parti, etc.

Certains l'ont bien compris, comme en témoignent la soraline et la dieudonnite, ce néo-drumontisme contemporain qui est le populisme des imbéciles. Comme en témoignent aussi la montée en puissance du lepénisme et la réelle "lepénisation des esprits" que n'arrêtera aucune incantation antiraciste, droit-de-l'hommiste, etc. Une révolution, c'est un gros bordel, pas moyen de faire dans le détail... Mais entre la soraline et la moraline, il va falloir la jouer à la fois fine et brutale. Soral se rêve d'ailleurs un destin à la Robespierre : on pourrait lui abréger le parcours.

Bon, pour le bon gros sous-entendu "royal-royaliste" de la question, je vais être obligé à un peu d'autobiographie (et puis ça me fait plaisir) : J'ai été militant royaliste exactement 3 ans, mes 3 années de lycée, mes 14, 15, 16 ans. Après, ce fut Immédiatement. J'étais depuis septembre 1993 chez les Cadets du Roi, groupe autonome fondé en 1992 à Toulon par mon ami Luc Richard, et très vite "numéro 2" et "rédac'chef" de notre fanzine, La Lanterne, qui en septembre 1996, fusionnant avec les équipes d'Insurrection à Paris et des Guêpes à Lyon, deviendra Immédiatement... On faisait de l'agit'prop', pas mal de choses avec nos amis les Jeunes Royalistes d'Aix et Marseille, un autre groupe autonome, les Chevaliers du Poignard, des motards dandies, et aussi, comme Luc est allé étudier à Lyon, avec les Camelots du Roi de la capitale des Gaules. Mais on n'a jamais été d'AF, même si on a fait des trucs ensemble, surtout des coups d'éclat, de l'agit'prop... On était même tous avec toi partis libérer le val d'Aoste en 1995, une marche aux flambeaux mémorables, la nuit, la neige, le col, la frontière, et l'auberge où nous nous sommes cassés la voix à changer avec les indépendantistes valdôtains.

Je n'avais pas encore 16 ans. Peu avant, dans un édito de La Lanterne, j'avais écrit "nous sommes les anarchistes blancs, les royalistes révolutionnaires". Pour nous, le royalisme, c'était une forme d'anarchisme, c'était l'anarchie couronnée, nous étions des "légitimistes révolutionnaires" (cf. Boutang, la "légitimité révolutionnaire"), on était plus proudhoniens que maurrassiens, et nos adages préféré du vieux étaient "la monarchie c'est l'anarchie plus un" et, bien sûr, "la liberté ne se donne pas, elle se prend" (dans sa version murale de Mai 68). On allait discuter avec les anarchistes de la FA, etc. Bref, ni catéchisme maurrassien, ni souvenir bourbonien !

On foutait bien le oaï à Toulon, entre agit'prop et blagues de potaches... On aimait bien l'essence et le feu, les collages, les bombages, tout ça... Nos modèles, c'étaient le Cercle Proudhon, Sorel, l'anarcho-syndicalisme, le Lys Rouge, la NAF (mais pas la NAR d'alors trop soc-dém), les maorrassiens, etc. On était régionalistes, autonomistes, indépendantistes... Je me souviens, encore au lycée, je dessinais sur mes feuilles des cours des lys noirs à côté desquels j'écrivais "Le Lys Noir" dans une graphie un peu façon Nation Française, rêvant d'un journal et d'un mouvement "anarcho-royalistes"... (sic)

Le royalisme, pour moi, c'était l'adolescence, l'effervescence, l'irrévérence, l'insolence, c'était un beau bras d'honneur à l'époque, anarcho-dandy, barock'n roll, on préparait la révolution, actions cagoulées, entraînements aux lance-pierres, aux manches de pioches, aux cocktails Molotov, aux armes à feu... On allait tirer dans les collines avec des Sten parachutées pour la Résistance ! C'était très romanesque, très romantique - mais tout cela a pris sens quand nous étions avec des centaines de milliers de manifestants, dont des milliers d'émeutiers, dans les rues de Gênes, Barcelone et ailleurs.

Le royalisme, c'est la forme la plus romantique de l'opposition à la civilisation moderne. C’est pour ça que j'aime bien le Lys Noir, déjà parce que ça me fait beaucoup rire, non de moquerie, mais de jubilation, ça me fait penser au national-dadaïsme que nous délirions avec un ami : Royal-Dada ! (Je suis d’ailleurs sujet patagon, naturalisé avec les miens par le Consul Général - comme la plupart de mes amis proches.) Enfin, tout cela était très potache, très jeune, très littéraire, très dandy, très sympathique, et finalement, ça a donné Immédiatement. J'avais dix-sept ans. "On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans." N'est-ce pas ?

Voilà pour le "royalisme révolutionnaire". Immédiatement, c'était autre chose, "revue littéraire et politique", c'est-à-dire à la fois plus métapolitique ("culturelle") que le royalisme, et plus directement politique - dans le souverainisme notamment. Bon, c'était à l'origine une revue faite par des royalistes ( des anciens d'AF-Paris : Sébastien Lapaque, Stéphane Tilloy, Louis-Xavier Perez, Jean-Paul Duarte, d'AF-Lyon : Nicolas Vey, et des anciens Cadets du Roi toulonnais : Luc Richard, Nicolas Vimar, moi-même) mais ce n'était pas une revue royaliste. C'était une revue bernanosienne, "gaullo-bernanosienne", avec un côté "gaulliste révolutionnaire", etc. On s'inscrivait dans la continuité de la Résistance française, des royalistes aux communistes, "celui qui croyait au ciel, celui qui n'y croyait pas", Bande à part de Jacques Perret, etc. L'angle était dès le début antitotalitaire, anticapitaliste, antimoderne.

Ce sont mes vraies années de "formation intellectuelle", sur le tas, tout en étant en hypokhâgne à Louis-le-Grand puis étudiant à Sciences-Po-Paris. Des années de lecture (et d'écriture) : Georges Bernanos, Simone Weil, Guy Debord, Ernst Jünger, George Orwell... Et bientôt l'Encyclopédie des Nuisances, Tiqqun, etc. Des années d'effervescence, de rencontres : quand on fait la liste des personnes qui sont intervenues dans Immédiatement, sous forme d'articles, d'entretiens, et même de conférences du Cercle Immédiatement, c'est impressionnant : Michel Houellebecq, Emmanuel Todd, Gilles Châtelet, Serge Latouche, Jean-Claude Michéa... Des dizaines de noms comme ça - Max Gallo, Régis Debray, Pierre-André Taguieff, etc. Des tas d'écrivains aussi, comme Frédéric Fajardie, Jérôme Leroy, François Taillandier, la chronique de Philippe Muray, etc., on publiait une nouvelle dans chaque numéro. Et puis des tas de journalistes, bien reconnus depuis : Philippe Cohen, Elisabeth Lévy, Joseph Macé-Scaron, j'en passe et des meilleures...

On a participé à la création de la Fondation Marc Bloch devenue Fondation du 2 Mars, j'ai créé avec David Todd, le fils d'Emmanuel Todd, la section Sciences-Po de la Fondation Marc Bloch, on a organisé un débat avec les Verts Sciences-Po un débat "démocratie de marché ou république sociale" entre Henri Guaino et Daniel Cohn-Bendit, le grand amphi était plein à craquer, Richard Descoing a refusé les télés... Sous l'influence plus politique des anciens d'AF qui étaient aussi les aînés - le "politique d'abord" - la revue a soutenu la candidature du RPF de Pasqua aux élections européennes de 1999, puis celle de Chevènement aux élections présidentielles de 2002. L'idée était alors de promouvoir et soutenir toutes les propositions politiques souverainistes, pour que ça ne se résume pas au Front national... C'était un peu la tendance "national-républicaine" d'Immédiatement, incarnée surtout par les anciens d'AF, assez jacobins en fait, et qui cherchaient leur Monck dans les candidats du moment... Jacques de Guillebon nous a rejoint au début du millénaire, on est devenus de plus en plus situationnistes, anticapitalistes, anarchistes, écologistes, anti-industriels, technophobes - ou plutôt, cette tendance des "jeunes" s'est de plus en plus exprimée dans la revue.

En juillet 2001, c'est l'inévitable scission, qui recoupe à peu près les tendances de la création : Sébastien Lapaque, soutenu par Stéphane Tilloy, Nicolas Vey, Louis-Xavier Perez, tente un putsch contre Luc Richard pour reprendre le contrôle total de la revue, et tente de placer Jérôme Besnard, qui naviguait plutôt dans les eaux d'AF... Le vieux fantasme maurrassien du coup de force, tenté en interne ! De l'autre côté, Luc Richard, Véronique Hallereau, Nicolas Vimar, Jean-Paul Duarte qui était devenu militant CNT... Le puputsch, comme on disait pour se marrer, tourne au fiasco, et toute l'équipe putschiste quitte la revue, juste avant notre départ pour Gênes. Il y avait aussi un différend idéologique, entre les "maurrassiens-républicains" et les "anarcho-situationnistes"...

Dans la foulée nous partons pour Gênes, avec Jean-Paul, Luc, et un ami marseillais connu à notre époque royaliste, mais qui a évolué vers le situationnisme. Là, nous rejoignons directement le Black Bloc, où évoluaient aussi Julien Coupat et l'équipe de Tiqqun, et participons plus qu'activement à toutes ses actions - même légales... Nous en avons fait le récit détaillé dans Immédiatement (disponible sur internet) : nous étions à la pointe avancée de toutes les actions, et avons assisté/participé à tous les évènements les plus aigus - dont l'assassinat de Carlo Giulani, juste à nos côtés. Nous partons dans les mois qui suivent, avec Jacques, Luc et Jean-Paul, rejoindre le Black Bloc à un contre-sommet européen à Bruxelles, puis au printemps suivant à Barcelone.

Nous devenons de plus en plus nous-mêmes, c'est-à-dire anticapitalistes, écologistes, etc. Et en même temps de plus en plus chrétiens, dans une lecture prophétique, apocalyptique, révolutionnaire, anarchiste voire communiste du christianisme. De plus en plus radicaux, et de plus en plus chrétiens en même temps. Je lis Girard, Ellul, la Bible, les Pères de l'Eglise, les grands théologiens, nous théorisons et pratiquons avec Jacques la "Théologie directe", etc.

A partir de 1999 je bourlingue pas mal aussi, passant la moitié de mes années en Inde, Chine, etc., soit en voyage, soit en missions auprès des plus pauvres. En 2002, Luc décide d'aller vivre en Chine, et le soviet rédactionnel m'élit directeur (et Jacques rédac'chef) à l'unanimité et en mon absence, puisque j'étais parti au Maroc plusieurs mois accompagner un ami dans une étude de terrain d'anthropologie religieuse... J'abrège : l'équipe est réduite et dispersée, il faut clore l'aventure en beauté, la finir et la finaliser, nous finissons par deux numéros très importants, le N.23 en 2003 "Et soudain le Christ", notre coming out intellectuel chrétien, et le dernier numéro, le 24, en 2004, qui récapitule toute l'aventure en revenant au politique : "Populisme ou barbarie". Apologie d'un populisme enraciné dans le christianisme populaire et la morale des gens ordinaires. Puis en 2005 le livre collectif d'Immédiatement : Vivre et penser comme des chrétiens - en référence à Gilles Châtelet et Léon Bloy. Ite missa est.

Tu vas te fâcher, mais la question du royalisme est pour moi un peu dépassée - cela fait partie de mon héritage politique, mais je ne suis ni fétichiste ni passéiste. Idem pour mon anarchisme, qui ne se reconnaît pas trop dans ses formes dogmatiques : le catéchisme de la FA, non merci. Comme j'aime bien dire, l'AF est au royalisme ce que la FA est à l'anarchisme : une Eglise, un conservatoire, un musée vivant... Ce qui compte, dans un mouvement comme Immédiatement de même que dans une vie politique, c'est la ligne de basse, la basse continue, le continuo. Le mien est là depuis l'adolescence, et même l'enfance : sentiment profond et indéracinable de révolte contre le monde moderne, contre la société industrielle : écologisme profond, technophobie, haine de l'injustice sociale, amour de la campagne et aussi de la nature sauvage. Goût des traditions populaires, des langues disparues, des dialectes vivants, de la bigarrure du monde détruite par le rouleau-compresseur de la mondialisation. Détestation de l'uniformisation. La politique est avant tout une question de sentiment, de sensibilité, de coeur, pour parler comme Pascal, les principes premiers se sentent, la raison vient ensuite les développer, défendre, déployer.

2005, Jack et moi sortons nos premiers bouquins, écrivons dans la presse catholique (La Nef, L'Homme Nouveau, etc.), je participe aux débuts de l'Observatoire sociopolitique à Toulon, diffuse dans des essais "théologico-politique" (toujours l'idée de "théologie directe", appliquée à la vie),des articles, des conférences, etc., la vision d'un christianisme radical, social, intégral, écologique, d'une "écologie intégrale", je lis ou relis Ellul, Charbonneau, Thoreau, Gandhi, Lanza del Vasto, Tolstoï, etc., je passe plusieurs années à l'étranger (Chine, Palestine, Cambodge...), change tous les ans ou deux ans d'activité, publie aussi des récits de voyage et pèlerinage, me marie, aie trois enfants, et en 2012 je reviens en France et avec Captain Jack nous résumons un peu tout ça, notre parcours intellectuel, dans notre pavé L'anarchisme chrétien (qui sort cette année en nouvelle version, revue, corrigée, augmentée) : l'"anarchisme chrétien", ce n'est ni une doctrine, ni un slogan, ni un parti, c'est juste une expression frappante et à première vue antinomique pour désigner une constellation ouverte et un sentiment métapolitique, c'est aussi anarchiser les cathos et évangéliser les anarchos, en tout cas faire bouger les lignes, toujours... Mais bon, on ne va pas non plus en faire une icône, un parti politique, une nouvelle secte, un prestige symbolique, etc.

2012, je reprends aussi du service à l'OSP, c'est la lutte contre le mariage pour tous, dans laquelle le diocèse de Fréjus-Toulon est très impliqué, et qui vois le soulèvement d'une jeunesse chrétienne prête à en découdre (comme dit le Comité invisible dans leur dernier texte, A nos amis, même les peigne-culs de Versailles à la nuque rasée ont pris goût aux échauffourées avec les flics) et de sentiment souvent anarchisant et écologisant : enfin la génération que nous attendions depuis dix ans, la relève, la quille ! Je vis depuis six mois en Polynésie française, les pieds dans l'eau, mais reste impliqué à distance dans tout ce qui précède, par l'écriture militante, en polygraphe compulsif et sans emploi...

Voilà. Une partie de l'esprit (et des collaborateurs réguliers) d'Immédiatement s'est retrouvée autour d'Elisabeth Lévy dans Causeur, qui fait du bon boulot mais dans lequel je me reconnais peu : c'est tout le côté plutôt politique, nouveau réac, journaleux, national-républicain, écrivaillon, parigot d'Immédiatement qui s'est perpétué et renouvelé là-dedans. J'aime bien, mais c'est un peu les bobos anti bobos, les bobos réacs, le Marianne de droite... Disons qu'à l'époque on a fait bouger les lignes, et que les nouvelles lignes se sont figées, cristallisées, sédimentées... Je regrette Immédiatement, car je ne trouve rien d'équivalent (non pas de similaire) dans la presse aujourd'hui. Après, il y a plein de sites, de blogues de jeunes talentueux dans cet esprit, comme Philitt, webzine "souverainiste et antimoderne". Bref, la relève est assurée, mais il faut passer à autre chose, avoir quelques coups d'avance. Je pense qu'il va se faire bientôt du neuf, qu'on va refaire bouger les lignes, que les prochaines années vont être mouvementées.

Je me retrouve bien dans Tarnac, Pièces et main d'oeuvre, L'échappée, Le pas de côté, La lenteur, l'écologie radicale, le bio-régionalisme (et même l'anarcho-primitivisme) etc. Critique sociale et écologie radicale. Si je devais résumer mes positions politiques (écologisme, populisme, localisme, anarchisme, bien-communisme, communalisme, mutualisme, associationnisme, etc. / anticapitalisme, antilibéralisme, antiétatisme, anti-impérialisme, antiproductivisme, etc), ce serait écologie et autonomie, autonomisme : autonomie politique, autonomie locale, autonomie associative, autonomie scolaire, autonomie universitaire, énergétique, économique, monétaire, communale, agricole, vivrière, religieuse, familiale, individuelle, etc. Tendre vers l'autonomie locale maximale et favoriser tout ce qui tend vers cette autonomie - donc l'écologie, bien sûr.

Après, la royauté, pourquoi pas ?, comme Orwell qui imaginait que la révolution socialiste pourrait même s'offrir le luxe de garder comme héritage national les impériales et la monarchie... Mais c'est trop tard. Et quand on voit ce que sont les monarchies européennes aujourd'hui, les familles royales, princières, etc., on voit bien qu'elles font partie de l'oligarchie. Elles ont déchu, leur temps est révolu. Mané, thécel, pharès.

Elles ne sont même pas dignes de la guillotine.

(Entretien paru dans Le Lys Noir N. 15)