Le Dieu froid de l’unitarisme




A propos de ce sujet si profond, qu’est celui de la Trinité. Les unitariens, (une secte qu’on ne doit pas nommer sans marquer un respect particulier pour leur dignité intellectuelle notable et leur honneur intellectuel des plus élevés) sont souvent des réformateurs par l’enchaînement accidentel qui jeta tant de petites sectes dans une telle attitude. Mais il n’y a rien de libéral ou prêt à se réformer dans la substitution d’un pur monothéisme à la Trinité. Le Dieu complexe du symbole d’Athanase 1 est peut être une énigme pour l’intellect, mais il est beaucoup moins susceptible de rassembler en lui le mystère et la cruauté d’un Sultan que le Dieu solitaire d’Omar ou de Mahomet. Le dieu qui n’est qu’une simple et terrifiante unité n’est pas seulement un roi, mais un roi d’Orient. Le COEUR de l’humanité, et particulièrement en Europe, est certainement beaucoup plus rassasié par les étranges allusions et les symboles qui sont associées à l’idée de la Trinité, image d’un conseil au cours duquel la miséricorde plaide autant que la justice ; idée d’une sorte de liberté et de variété existant dans le sanctuaire du monde. Car la religion occidentale est toujours tombée à genoux à l’idée « qu’il n’est pas bon que l’homme soit seul ». L’instinct social s’est affirmé lui-même partout comme lorsque l’idée orientale de l’ermite fut expulsée par l’idée occidentale des moines. Ainsi, même l’ascétisme devint fraternel, et les trappistes furent sociables alors même qu’ils gardaient le silence. Si cet amour d’une complexité vivante est notre test, il est certainement plus sain d’avoir la religion Trinitarienne qu’une religion Unitarienne. Pour nous Trinitariens (si je veux le dire avec respect), pour nous Dieu lui même est une société. C’est en effet un incompréhensible mystère de théologie, et même si j’étais assez théologien pour traiter ce sujet directement, il serait hors sujet de la faire ici. Il suffit de dire ici que cette triple énigme est aussi réconfortante que le vin et aussi cordiale qu’un âtre anglais, qu’elle déroute tout à fait l’intellect, mais qu’elle apaise le cœur. Inversement c’est du désert, des lieux arides sous des soleils insupportables, que nous viennent les fils cruels du Dieu solitaire, les vrais unitariens qui, le cimeterre à la main, ont dévasté le monde. Car il n’est pas bon que Dieu soit seul. 2

La Trinité, Dieu d’amour

S’il y a un point que les gens « éclairés » et le monde libéral ont l’habitude de railler et de tenir comme l’exemple redoutable d’un dogme stérile et d’un différent sectaire insensé, c’est bien la polémique d’Athanase sur la Co-éternité du Fils de Dieu. D’un autre côté, s’il y a une seule chose que les mêmes libéraux avancent invariablement comme étant à elle seule le christianisme à l’état pur, vierge des disputes doctrinales, c’est bien cette seule affirmation : « Dieu est amour ». Et cependant, les deux propositions sont quasi identiques, ou du moins, l’une est presque une aberration sans l’autre. Car ce dogme soi-disant stérile est la seule manière logique d’exprimer ce magnifique sentiment. En effet, s’il existe un Être sans commencement, existant avant toute chose, qui aimait-il lorsque il n’y avait rien à aimer ? Si il était seul au cours cette inconcevable éternité, que cela signifie-t-il donc de dire qu’il est amour ? La seule justification d’un tel mystère est la conception mystique qu’en sa propre nature résidait quelque chose d’analogue à une expression de lui-même, quelque chose qui engendre et voit ce qu’il a engendré. Sans une telle idée, il est absolument illogique de vouloir compliquer l’essence divine avec une idée comme celle de l’amour. Si les modernistes veulent réellement une simple religion de l’amour, ils doivent la rechercher dans le credo d’Athanase . En réalité, les trompettes du vrai christianisme, celles des défis de la charité et de la simplicité de Bethléem ou du jour de Noël, n’ont jamais sonné si immanquablement et si définitivement que dans le défi qu’Athanase lança au froid compromis des ariens. C’est assurément lui qui défendait réellement un Dieu d’amour contre le dieu terne et grand horloger de l’univers des stoïciens et des agnostiques. C’est assurément lui qui défendait le Saint Enfant contre la divinité monotone des pharisiens et des sadducéens. Il combattait pour cet équilibre délicat d’interdépendances et d’intimité, dans la Trinité même de la nature Divine, qui mène nos cœurs à la Trinité de la sainte famille. 3

Notes

1 CREDO DE SAINT ATHANASE

Quiconque veut être sauvé doit, avant tout, tenir la foi catholique : s’il ne la garde pas entière et pure, il périra sans aucun doute pour l’éternité.

Voici la foi catholique : nous vénérons un Dieu dans la Trinité et la Trinité dans l’Unité, sans confondre les Personnes ni diviser la substance : autre est en effet la Personne du Père, autre celle du Fils, autre celle du Saint-Esprit ; mais une est la divinité du Père, du Fils et du Saint-Esprit, égale la gloire, coéternelle la majesté.

Comme est le Père, tel est le Fils, tel est aussi le Saint-Esprit : incréé est le Père, incréé le Fils, incréé le Saint-Esprit ; infini est le Père, infini le Fils, infini le Saint-Esprit ; éternel est le Père, éternel le Fils, éternel le Saint-Esprit ; et cependant, ils ne sont pas trois éternels, mais un éternel ; tout comme ils ne sont pas trois incréés, ni trois infinis, mais un incréé et un infini. De même, tout-puissant est le Père, tout-puissant le Fils, tout-puissant le Saint-Esprit ; et cependant ils ne sont pas trois tout-puissants, mais un tout-puissant. Ainsi le Père est Dieu, le Fils est Dieu, le Saint-Esprit est Dieu ; et cependant ils ne sont pas trois Dieux, mais un Dieu. Ainsi le Père est Seigneur, le Fils est Seigneur, le Saint-Esprit est Seigneur ; et cependant ils ne sont pas trois Seigneurs, mais un Seigneur ; car, de même que la vérité chrétienne nous oblige à confesser que chacune des personnes en particulier est Dieu et Seigneur, de même la religion catholique nous interdit de dire qu’il y a trois Dieux ou trois Seigneurs.

Le Père n’a été fait par personne et il n’est ni créé ni engendré ; le Fils n’est issu que du Père, il n’est ni fait, ni créé, mais engendré ; le Saint-Esprit vient du Père et du Fils, il n’est ni fait, ni créé, ni engendré, mais il procède. Il n’y a donc qu’un Père, non pas trois Pères ; un Fils, non pas trois Fils ; un Saint-Esprit, non pas trois Saints-Esprits. Et dans cette Trinité il n’est rien qui ne soit avant ou après, rien qui ne soit plus grand ou plus petit, mais les Personnes sont toutes trois également éternelles et semblablement égales. Si bien qu’en tout, comme on l’a déjà dit plus haut, on doit vénérer, et l’Unité dans la Trinité, et la Trinité dans l’Unité. Qui donc veut être sauvé, qu’il croie cela de la Trinité.

Mais il est nécessaire au salut éternel de croire fidèlement aussi à l’incarnation de notre Seigneur Jésus-Christ. Voici la foi orthodoxe : nous croyons et nous confessons que notre Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, est Dieu et homme. Il est Dieu, de la substance du Père, engendré avant les siècles, et il est homme, de la substance de sa mère, né dans le temps ; Dieu parfait, homme parfait composé d’une âme raisonnable et de chair humaine, égal au Père selon la divinité, inférieur au Père selon l’humanité. Bien qu’il soit Dieu et homme, il n’y a pas cependant deux Christ, mais un Christ ; un, non parce que la divinité a été transformée en la chair, mais parce que l’humanité a été assumée en Dieu ; un absolument, non par un mélange de substance, mais par l’unité de la personne. Car, de même que l’âme raisonnable et le corps font un homme, de même Dieu et l’homme font un Christ. Il a souffert pour notre salut, il est descendu aux enfers, le troisième jour il est ressuscité des morts, il est monté aux cieux, il siège à la droite du Père, d’où il viendra juger les vivants et les morts. A sa venue, tous les hommes ressusciteront avec leurs corps et rendront compte de leurs propres actes : ceux qui ont bien agi iront dans la vie éternelle, ceux qui ont mal agi, au feu éternel. Telle est la foi catholique : si quelqu’un n’y croit pas fidèlement et fermement, il ne pourra être sauvé.

2 G.K.Chesterton, Orthodoxie

3 G.K.Chesterton, L’Homme Eternel