Tenter de réconcilier christianisme et anarchisme n'est pas chose facile. C'est pourtant à cette tâche que se sont attelés Jacques de Guillebon et Falk van Gaver avec L'Anarchisme chrétien (L'Œuvre éditions, 416 p., 29 euros). Malgré le fameux Ni Dieu ni maître, sur le seul plan moral et individuel, anarchistes et chrétiens partagent ou devraient partager le respect de l'être humain, la révolte devant l'injustice, l'oppression, le mensonge, la tyranie, la corruption et la violence, le désir de se perfectionner et la soif de connaissance… Autant les auteurs sont convaincants avec Proudhon, Tolstoï, Gandhi (« Christ hindou »), Thoreau, Ellul, autant on demeure dubitatif en ce qui concerne François d'Assise, Benoît-Joseph Labre, Barbey d'Aurevilly, Claudel, Bernanos, Chesterton, etc. Sans parler d'un Retté, anarchiste de lettres puis, ayant renié ses convictions précédentes, fou de Dieu ! Un « clochard céleste » ou un « divin dandy » ne constitue pas forcément un anarchiste. Quant à Péguy et à Simone Weil, ne s'agit-il pas plus d'une proximité de lutte que d'une adhésion aux idées libertaires ? En quête d'absolu et négateurs de toute autorité (extérieure), nombre de chrétiens cités revendiquent non pas la suppression de l'Etat mais un Etat minimum… à l'instar, pourrions-nous dire, des libertariens et autres néolibéraux. Peut-on leur suggérer de se libérer aussi de l'Eglise, institution criminelle et liberticide s'il en est ? Reste un ouvrage foisonnant, bien souvent passionnant, qui est le premier à explorer ce thème.

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