Quelle absurdité de vouloir changer le monde par la propagande : la propagande fait du langage un instrument, un levier, une machine. La propagande fixe l'état d'esprit des hommes tels qu'il sont devenus sous la pression de l'injustice sociale, en les mettant en mouvement. Elle compte sur le fait que l'on peut compter sur eux. Chacun sait au plus profond de lui même que l'instrument fera de lui un instrument, comme dans une usine. La fureur qu'ils ressentent en succombant à la propagande est l'antique ressentiment contre le joug, renforcé par un pressentiment qui leur dit que la propagande ne leur propose que des fausses solutions. Elle manipules les hommes ; lorsqu'elle proclame la liberté, elle se contredit elle même. Le mensonge est sa seconde nature.

Theodor Adorno et Max Horkheimer, Propagande, Notes et esquisses in La Dialectique de la Raison (1944), Gallimard, 1974.