Les associations ouvrières d'entraide mutuelle sont interdites : on déclare que l’entraide aux chômeurs et aux malades n'est qu'un prétexte. La loi interdit même les pétitions ouvrières, les délibérations collectives tendant à fixer un prix ou un salaire : cela livre donc entièrement les ouvriers à la discrétion du patron. Le contrat doit être conclu entre deux personnes libres et indépendantes de tout lien collectif : le patron et l'ouvrier, théoriquement égaux. Les auteurs de délibérations ouvrières seront passibles d'amendes, et privés de leurs droit de citoyens actifs pour un an. Ceux qui attenteraient par la force à la liberté du travail (grève, etc.) seraient poursuivis devant les tribunaux criminels et les attroupements ouvriers seront dispersés par la force. Ce qui est curieux, c'est qu'aucun députés de gauche ne protesta contre cette loi. Pour les uns, elle est une mesure de circonstance, pour les autres les compagnonnages étaient des centres de propagande contre-révolutionnaire. En réalité cette loi fut décisive et fit triompher toute une conception économique et sociale : le libéralisme profitant au plus fort et correspondant à l'individualisme social et à l'égalité théorique. Elle fut le fondement du capitalisme libéral.

La loi Le Chapelier fut promulguée, le 14 juin 1791.

Jacques Ellul, Histoire des institutions, t. 5 : Le XIXe siècle (1789–1914), 1956, PUF.