"Jean dans son commentaire continu des Actes des Apôtres, propose le modèle de l’Église primitive (Ac 4, 32-37) comme modèle pour la société, développant une « utopie » sociale (presque une « cité idéale »). Il s’agit en effet de donner une âme et un visage chrétien à la cité. Autrement dit, Jean a compris qu’il ne suffit pas de faire l’aumône, d’aider les pauvres de temps en temps, mais qu’il est nécessaire de créer une nouvelle structure, un nouveau modèle de société ; un modèle basé sur les perspectives du Nouveau Testament. C’est la nouvelle société révélée dans l’Église naissante. Jean Chrysostome devient donc réellement ainsi un des Pères les plus importants de la doctrine sociale de l’Église : la vieille idée de la cité (polis) grecque est remplacée par une idée nouvelle de cité inspirée de la foi chrétienne. Chrysostome soutenait avec Paul le primat chrétien de chaque individu, de la personne en tant que telle, également de l'esclave ou du pauvre. Son projet corrige ainsi la vision grecque traditionnelle de la polis, de la cité dans laquelle de larges couches de la population étaient exclues des droits de citoyenneté, alors que dans la cité chrétienne tous sont frères et sœurs avec des droits égaux. Le primat de la personne est également la conséquence du fait que c’est à partir d’elle que se construit la cité, alors que dans la polis grecque la patrie est au-dessus de l’individu, lequel est totalement subordonné à la cité dans son ensemble. Commence ainsi avec Chrysostome la vision d’une société construite à partir de la conscience chrétienne. Et il nous dit que notre polis est tout autre, que « notre patrie est au ciel » (Ph 3, 20), et que cette patrie, même sur cette terre nous fait tous égaux, frères et sœurs, et nous oblige à la solidarité."

BENOÎT XVI, HOMÉLIE SUR SAINT JEAN CHRYSOSTOME