Il y a des lignes qui sont des monstres, la droite, la serpentine régulière et surtout deux parallèles. Eugène Delacroix, Journal.

Nous qui avons le temps, nous les paresseux, nous flânons dans l’Éternité. Les routes droites et nivelés nous semblent monotones : nous leur préférons des chemins tordus, raboteux, qui montent et descendent, qui décrivent des zigzags, et dont les tournants nous réservent des surprises.

Malheureusement, le savant découvre nos sentiers sinueux : il s’empresse de les détruire et de les remplacer par des voies rectilignes faites de deux parallèles qui, prolongés à l'infini, ne se rencontrent jamais. Ces odieuses parallèles n'existent nulle part dans la nature : Delacroix les appelait des monstres. Ces méfaits me dira-t-on, sont imputables aux ingénieurs et non pas aux savants.

Ingénieurs, chimistes, mathématiciens et autres bipèdes anormaux sont des séides de la science : ejusdem farinae, je les fourre tous dans le même sac.

Gustave-Henri Josso, L’Évangile de la paresse, 1927.