La Révolution chrétienne qui s'impose plus que jamais pour le salut du monde, ne sera vraiment politique au plein sens du mot, c'est à dire ne s'étendra à toute l'activité humaine pour la régénérer, que si elle est d'abord au sens propre du terme : économique, c'est à dire si elle s’opère d'abord dans les foyers pour y sanctifier la vie et le travail quotidien. Et pour que cette révolution économique se réalise, il faut que les individus aient l'audace de la commencer seuls, c'est à dire d'y jeter, d'y dévouer, d'y perdre leur vie pour la sauver, en sauvant les autres. En ce sens, et pas seulement pour le cloitre, la seule révolution qui s'impose sera monastique ou ne sera pas. Il y faudra des hommes qui aient le courage d'être seuls à méditer, seuls à lutter, seuls à travailler, contre le monde, contre l'esprit du mal et contre eux-même. Mais ce mot "seul, monos" n'est plus ici que façon de parler pour désigner leur retranchement de tout ce monde où ils sont et dont ils ne sont pas. En réalité, c'est à dire spirituellement, l'Esprit s'est défini consolateur parce qu'il n'y a qu'avec Lui, qu'on ne travaille jamais seul.

Jean Plaquevent, De quelques aventures de la notion de travail, Esprit, juillet 1933.