Les saints nous enseignent l'essence de la personnalité chrétienne. Rilke a dit : si on entre dans Tolède, on s'attend à rencontrer dans la rue ou un lion ou un saint. Il y en vérité du lion dans le saint. Selon le mot juste et beau d'André Suarès il est "la perfection du héros". Le Hieronymus im Gehaus d'Albrecht Dûrer avec le lion à ses pieds, est une image adéquate de la sainteté. Ici le lion symbolise d'abord le règne de la bonté sainte, qui se répand même sur les animaux et les plantes, règne dont la légende nous donne des exemples nombreux (1). Mais cela n'est pas tout. La bête féroce, qui sert le saint avec une obéissance volontaire et qui semble garder le trésor de sa contemplation, offre aussi une ressemblance indubitable avec l'ermite lui-même. Ce qu'on voit ici symbolisé, c'est la présence à l'intérieur de la vitalité animale. Mais cette force naturelle ne le domine plus, et sans être détruite, elle est devenue protectrice de la personne; qui la refaite à son image. Cette nouvelle synthèse, toujours en état de devenir - fait précisément la personalité.

Paul Louis Landsberg, Quelques reflexions sur l'idée chrétienne de personne, Esprit, décembre 1934.

(1) Dans son petit livre incomparable sur Saint François comme troubadour de Dieu, Gorres explique ce trait par le rétablissement du vrai état de nature, une victoire individuelle sur le péché originelle.