Il est inconcevable que, périodiquement trompée, constamment abusée, la confiance de l’électeur survive aux déceptions dont il souffre et dont il se lamente ; et pour l’être raisonnable et pensant, c'est une stupeur que de constater que les législatures se succèdent, chacune laissant derrière elle le même désenchantement, la même réprobation et que, néanmoins, l'électeur persiste à considérer comme un devoir de voter.

La période électorale s'ouvre, elle est ouverte. C'est la crise qui, périodiquement, convulsionne la multitude. Elle dure officiellement quelques semaines et, si l'on tient compte de l’effervescence qui précède et du bouillonnement qui suit cette crise, on peut dire qu'elle dure trois mois. Trois mois durant lesquels, peuplé d'agités, le pays semble frappé de démence : candidats, comités et courtiers électoraux, tour à tour confiants dans le succès ou désespérant d'y atteindre, vont et viennent, avancent et reculent, crient et se taisent, affirment et nient, implorent et menacent, acquiescent et protestent, attaquent et se défendent.

C'est un spectacle fou : drame, comédie, vaudeville, bouffonnerie, farce, pantomime, tous les genres, du tragique au burlesque, s'y donnent rendez vous et s'y rencontrent, associés, confondus. Le malheur est que c'est au frais du spectateur que la farce se joue et que, quels que soient les acteurs, c'est toujours lui qui paie, et qu'il paie de son travail et de sa liberté.

Sébastien Faure, Electeur, écoute !, Bureau antiparlementaire, 1919.