Le soir l'homme opprimé a enfin l'occasion de se détendre, il devient pour ainsi dire libre. Il a le droit de se reposer, et s'il en a le droit, c'est un travailleur, cela se fatigue aussi. S'il reçoit ses quelques heures de liberté au terme de la dure journée de labeur, c'est pour alimenter et huiler la machine qu'il représente. Les soirées libres, les dimanches signifient : repos de la main d’œuvre ; dans la société à but lucratif, l'homme n'est jamais une fin, mais toujours un moyen. Tout ce qui est entrepris au cours des soirées libres, qu'il s'agisse de telle activités purement privée ou de telle autre obéissant à des traditions plus anciennes, ne fait qu'ornementer l'objectif de la bourgeoisie : la reproduction de la main d’œuvre.

Ernst Bloch, Le principe espétrance, Les épures d'un monde meilleur, 1953.