L’heure est solennelle. Après des mois d’attente fébrile, le peuple français respire enfin : Captain Sarkozy n’abandonnera pas son navire en pleine tempête. Il ne laissera pas le budget entre les mains de l’inconsistant Hollande, les minorités à la merci du jacobin Bayrou, les Arabes et les Noirs désemparés face à la sanguinaire Le Pen ou les patrons sous le joug soviétoïde du dangereux Mélanchon.

En ces jours tragiques où la Crise, vorace et déchaînée, menace d’engloutir le CAC 40 et la Sécurité sociale, il ne pense qu’à une chose : s’interposer, sauver notre économie et notre modèle social. Et avec quel maestria mondialement admirée ! Comme nous le rappelait Claude Allègre dans ces quelques lignes d’une rare lucidité : “(...) quel courage d'affronter la crise à mains nues, fût-ce d'une manière parfois irritante ou avec fulgurance (...). Et il l'a fait avec lucidité, courage et brio, mieux qu'aucun autre dirigeant de la planète. Il n'est pas excessif de dire que le président a sans doute évité à notre pays plusieurs désastres.”

C’est tout à fait exact. Gouvernés par d’autres, nous aurions connu le désastre moral de ne pas venir en aide à la Libye opprimée, la trahison suprême de ne pas couvrir ce pays d’un tapis de bombes intelligentes et bienveillantes. Nous aurions hésité à prêter des millions à nos usuriers, mettant ainsi en péril le système bancaire international. Nous pouvons donc être fiers de ce dirigeant unique, que le monde entier nous envie. Sous le petit homme à talonnettes se cache un stratège de tout premier ordre. Sa glorieuse politique extérieure conjugue harmonieusement les trois piliers de la géo-politique moderne : - sécurisation de l’approvisionnement énergétique ; - ventes d’armes pour relancer la croissance qu’est en berne ; - et (surtout) amour pour les pauvres populations opprimées par les méchants dictateurs. Vraiment, on n’avait pas vu ça depuis Roosevelt.

Une telle gloire ne pouvait être passée sous silence dans un article consacré au Sauveur de la Patrie. Mais lui, Jeudi soir, n’a pas dit un mot de sa politique étrangère. Par humilité et pour se mettre à la portée du premier Français venu qu’il respecte énormément de tout son coeur, il s’est concentré sur des problèmes concrets, parmi lesquels, d’abord, le chômage.

Il a décidé, Sarkozy, de prendre les chômeurs par la main pour les tirer de l’Assistanat, ce cancer qui ronge leurs âmes et, accessoirement, la part du budget de l’Etat consacré au versement des intérêts de la dette. Pour qu’ils parviennent à la réinsertion sociale, il leur faudra apprendre un métier, à ces inadaptés d’un monde qui bouge. “Même à 55 ans, oui madame !”, parce que, nous dit-il dans un Français simplifié pour qu’on puisse tous le comprendre : “quand on aura pas de chance de trouver un travail dans son secteur, et ben on vous proposera des travails dans des secteurs porteurs d’emploi, y faudra prendre cette formation, et à l’issue de cette formation, faudra prendre un emploi qui correspond à la formation qu’on vous aura donnée. (...) Et finalement, on aura une société qui sera organisée de la manière suivante : tous ceux qui ont la force, la santé pour travailler, auront un emploi ; tous ceux qui ont la force, la santé mais pas d’emploi on les mettra en formation professionnelle ; et puis y a ceux qui en peuvent plus passqu’y sont malades, passequ’y zont connu les accidents de la vie, (...) pour eux, on aura la Solidarité. Mais l’Assistanat n’a pas sa place.”

Ainsi, modernisant la théorie médiévale des trois Ordres (trimeurs, sabreurs et scribouilleurs), notre Guide Lumineux nous propose une Nouvelle Société constituée de : 1) l’Ordre des travailleurs qui travaillent (c’est ceux qui zont des biscoteaux et/ou qui sont malins) ; 2) l’Ordre des travailleurs qui travaillent pas (c’est ceux qui zont pas d’chance mais qui sont biens quand même) ; 3) l’Ordre de ceux qui zen peuvent pu (c’est les estropiés, les déglingués, les tarés, les vioques, les alcoolos, tous ceux qu’on sait pu quoi qu’en faire).

Pour les premiers on aura le Salariat, pour les deuxièmes on aura la Formation professionnelle, et pour les troisièmes on aura la Solidarité, qu’y faut pas confondre avec l’Assistanat parce que c’est pas pareil, parce que c’est pas la même chose et que, surtout, c’est vraiment très différent.

Revigorée par cette nouvelle structure sociale, la France du Sarkozisme triomphant, pourra se donner de nouvelles valeurs. “Liberté, Egalité, Fraternité” ? Hop, à la poubelle tout ça ! Vieilleries bancales sans intérêt ! Poussière et moisissures ! La Nouvelle France aura des nouvelles valeurs, rutilantes, propres et efficaces, qui seront les nouveaux objets de notre nouvelle Foi : “Je crois au Travail, dit notre Grand Gouvernail, je crois à la Responsabilité, je crois à l’Autorité, j’crois à la Solidarité, mais je parle à tous les Français ! (...) J’ai besoin de tous les Français simplement qui aiment leur pays et qui sont convaincus que si la France est forte, ils seront protégés.”

Nous y voilà. L’idée centrale de notre Président, le fondement de sa politique, c’est que la France, elle doit êt’ forte, pour nous protéger, quoi ! Ça paraît simple comme ça, mais c’est beaucoup plus compliqué qu’il n’y paraît, parce qu’il y a les forces ténébreuses de l’ombre qui s’opposent en cachette et en douce à la France-forte. Sont-ce les Amerloques, les Schleuhs, les Rosebifs, les Bridés, les Bougnoules qui sont derrière tout ça ? Pas du tout ! Non, vous n’y êtes pas ! Il s’agit du fameux complot giscardo-mitterrando-chiraquien à tendances soixante-huitardes dégénérées : “Pendant 30 ou 40 ans, on a dévalorisé le Travail, et tout mon projet, c’est de remettre le Travail au centre de tout.” Oui, la France était gouvernée par un tas de glandus qui voulaient pas qu’on bosse, des zutopistes à la noix qu’avaient bêtement confondu valeur et coût du travail. Des égalitaristes qui pensent qu’à foutre les bourgeois au goulag, quoi : “On parle le rêve français. Oh j’en ai vu dans ma longue carrière politique des hommes politiques qui promettaient le rêve ; ça se termine toujours en cauchemar.”

Avec Sarkozy, on va pas perdre son temps à rêver à des châteaux en Espagne qui tiennent pas debout. On va être dans le concret et le sérieux. On va faire des usines en banlieue, des autoroutes dans les champs, des éoliennes au bord de la mer, des hypermarchés dans les villages et des centrales atomiques un peu partout : des machins bien solides qui polluent bien comme y faut, durablement. Et qui donnent des emplois. On va trimer, on va bosser, on va suer, on va se lever tôt, on va se coucher tard, on aura des cernes sous les yeux, les mains qui tremblotent, la colonne qui dérouille, les yeux qui dérapent, on sera oveur-bouqués, on sera pleins aux as avec une monnaie forte et, en se couchant le soir vers les deux heures du matin, la main crispée sur la télécommande, on pensera tout fiers à la France-ouverte-qui-nous-protège, larme patriotique à l’oeil, s’il-vous-plaît !

Mais attention, c’est un Démocrate notre Président, un des comme BHL il les aime : il veut pas nous imposer ça comme qui dirait par en haut, notre Président, il veut que la Crise - à quelque chose malheur est bon - éveille dans le peuple une Prise de conscience de la gravité de la situation, qu’on n’a pas vu ça depuis 1945 et les tickets d’alimentation : “Moi ce que je veux, c’est que les Français comprennent la situation où nous sommes (...), les choix que nous devons porter. Et c’est pour ça que, avec la force dont je suis capable, avec le dynamisme qui m’habite, et surtout avec la conviction que notre pays a encore bien des choses à dire au monde et bien je suis candidat à l’élection présidentielle.” Merci.

Qu’on ne s’y trompe pas, cependant, notre Inextinguible et Dynamique Porte-Choix ne conçoit pas le Travail comme une activité morne et désincarnée. C’en est un qu’a lu Staline. Le travail doit être illuminé intérieurement par la conscience joyeuse que le P.I.B. est en train de grossir : “Faut se réjouir quand on est en croissance. La France, elle appartient pas à la droite, elle appartient pas à la gauche, elle appartient pas au centre. La France, c’est les Français.”

Fort de cette constatation qui clôt une bonne fois pour toutes le débat sur l’Identité nationale, Nicolas Sarkozy nous dévoile sa dimension prophétique : “Je me présente devant eux comme je l’ai toujours fait : en vérité.” A quoi il faut ajouter sa longanimité : “Ma campagne, ça sera pas de consister à dire matin, midi et soir du mal des autres.” Et sa chrétienté homophile : “J’ai dit ce que je pensais du mariage homosexuel, mais... tout ce qui peut apparaître de près ou de loin comme de l’homophobie, je l’ai en horreur. On a rien à faire avec des personnes qui comprennent pas qu’au XXIe siècle, ce genre de propos, ça tire tout le monde vers le bas.” Beurrk !

Et puis, surtout, Sarkozy c’est l’Espérance : “Je crois qu’on peut changer les choses. J’ajoute que par l’intermédiaire du référendum, ça serait une façon pour le peuple de France, d’être comptable des engagements que je vais prendre, et la certitude pour eux que les grands arbitrages en France seront tranchés par le peuple français. Chaque fois qu’y aura blocage, je ferai trancher le peuple français”.

Que les syndicats se le disent pour dit : cette fois-ci, y aura pas de quartiers ; et si les Français sont pas d’accord, z’auront qu’à s’en prendre à eux-mêmes. Compris ?

Armand Grabois