Par une tragique inconséquence, tout en mettant fin au mythe moderne de l'Etat en ce qui regarde les Etats particuliers, les hommes retrouvaient ce mythe, le mythe de l'Etat personne et personne souveraine et personne supra-humaine, intronisé au sommet de l'univers. Toutes les conséquence impliquées dans la conception hégélienne de l'Etat pourraient alors s'étendre à l'humanité avec une puissance irrésistible. La quête d'un tel Super-Etat coiffant les nations n'est rien d'autres, en fait, que la quête de l'antique utopie d'un empire universel. Cette utopie a été poursuivie dans les siècles passés sous la forme de l'empire d'une seule nation imposant sa loi à toutes les autres. La poursuite, dans l'age moderne, d'un Super-Etat mondial absolu serait la poursuite d'un empire démocratique multinational, qui ne serait pas meilleur que les autres.



Jacques Maritain, L'homme et l'Etat, Puf, 1953.