Peut-on dire, au vu de ses résultats, que l'extension de l'instruction publique ait réellement aidé l'homme à devenir meilleur ? S'est-elle préoccupée de forger son caractère et sa volonté ? A-t-elle éveillé en lui un sens plus vif des fondements de son existence ? En lui apprenant à lire et à écrire, lui a-t-elle appris à penser par lui-même ? Ces questions sont stupides et ne comportent pas de réponse, car elles n'ont même pas été posées. Pour le XIXe siècle, il était bien évident que le progrès humain devait nécessairement aller de pair avec celui de l'instruction et des connaissances. Et il a ainsi préparé un nouveau type d'analphabète, la brute au cerveau bourré de mots, bloqué par l'imprimé. Le lecteur du journal, l'intoxiqué de la propagande.



Par la création de l'instruction publique, l'État libéral avait accompli un pas décisif dans la voie qui mène à la possession intérieure de l'homme par la puissance politique.



Bernard Charbonneau, L’État, ronéotypé, 1949, réédition chez Économica, 1987.