La parole aujourd'hui, a donné

tout ce qu'elle pouvait et même davantage.

Elle a fini par mettre au ban

Les choses, le réel, tout ce qui existe avant et après

elle en a pris la place.

Elle n'a plus rien à transmettre,

aucun message sinon le bruit sourd

des politiciens et des bureaucrates

ou assourdissant des marchands du temple;

la voilà devenue, retour de balancier; l'étude des linguistes :

leur exhibant ses mécanismes

les plus intimes avec l'impudeur de la mort.

A présent que reste-t-il au poète dans tout cela ,

Nourrir la défiance en la parole,

ne pas y voir le Verbe mais son contraire :

de toutes choses la plus inerte, la plus vile,

dont on ne peut plus rien faire

que la jeter. Tel est le premier acte

qu'il lui faut accomplir sous peine de mentir.

Mais ensuite... il devra recueillir tout ce qu'il a jeté,

le laver de sa boue, s'apercevoir avec stupeur

qu'il tient dans la main une graine,

et la planter dans une bonne terre, la faire croître

pour qu'elle devienne un arbre et qu'elle donne du fruit.

Remo Fasani, Au verbe (5 septembre 1982), traduit de l'italien par Christophe Carraud, Conférence n°32, printemps 2011.