Le retour d’un monde réfractaire à la Bible, à sa condition naturelle, fait éclater le drame secret que l’Eglise portait en elle. Son pacte avec le monde profane a été une guerre contre lui. Sous son manteau à nouveau déchiré par la persécution, nous apercevons la marque indélébile de sa naissance juive. Ce que nous savions déjà par l’histoire de son origine, ce que la théologie nous apprenait sur sa tâche parmi les nations, nous le saisissons brusquement d’une manière immédiate, sensible, directe.

Certes notre chemin nous conduit ailleurs. Nous passons à coté de la Croix, nous n’allons pas vers elle. Mais cette horreur sacrée que les frères Tharaud ont cru avoir observé un jour chez tel enfant du ghetto polonais, nous ne l’éprouvons pas lorsque l’ombre de la Croix nous couvre pour un instant. Et dans un monde de plus en plus hostile, qui se remplit de swastikas c’est vers la Croix à branches, droites et pures, que nous levons souvent les yeux.

Emmanuel Levinas