Tremblements d'aigles noirs - les cloches vespérales

Âmes mortes que le vent porte, échos plaintifs;

Enveloppé dans les ténèbres des orages

Voici que Jésus vient avec un enfant juif.

Comme si l'embrasait le souffle de Dieu

La terre sous leurs pas s'enfièvre,

Glacial comme une ombre on voit marcher près d'eux

L'arme à la main un soldat des SS

Sur le coeur de Jésus l'étoile de David,

Silencieux il marche au profond de son rêve,

Et l'enfant qui à soif de l'éclat du soleil

Boit, coulant de la nuit, cette fraicheur de sève,

Il la prend doucement au creux de ses mains nues

Et la terre parait retenir son haleine,

Lui-même douze fois s'est déjà reconnu,

Ils rient ensemble au clair de la lune sereine.

Glacial comme une ombre on voit marcher prés d'eux

Un soldat des SS portant son arme nue,

Et sous ses pas de fer montent, silencieux,

Les morts muets, les morts au visage inconnu,

Sous leur manteau de cendre on peut apercevoir

Et reconnaitre au loin comme une fumée bleue,

Et leurs yeux par milliers pareils aux flambeaux noirs

Accompagnent Jésus et l'enfant jusqu'au feu.

Leiser Aichenrand (né en 1912), Ballade de Jésus et de l'enfant juif in Anthologie de la poésie yiddish, traductions Charles Dobzynski, poésie Gallimard.