La terre est commune à tous les hommes et, par conséquent, les aliments qu'elle fournit, elle les produit pour tous communément. C'est donc à faux que se jugent innocents ceux qui réclament pour leurs usage privé le don que Dieu fit pour tous. Ces hommes qui ne font point l'aumône des biens qu'ils ont reçus, se rendent coupables de la mort de leurs frères, en ce sens qu'ils laissent chaque jour périr à peu prés autant d'hommes qu'ils retiennent par avarice de subsides nécessaires aux pauvres gens qui meurent de faim. C'est qu'en effet, quand nous donnons aux miséreux les choses indispensables, nous ne leur faisons pas de largesses personnelles: nous leur rendons ce qui est à eux. Nous remplissons bien plus un devoir de justice que nous n'accomplissons un acte de charité.

S. Grégoire Le Grand. Le pastoral, 3, 21, traduit par Joseph Boutet, DDB, 1928.