QUOD AB OMNIBUS, QUOD UBIQUE, QUOD SEMPER

(Ce qui est admis par tous, partout et toujours.)

XXIII . 1. Mais peut-être dira-t-on : 'N'y aura-t-il alors, dans Église du Christ, aucun progrès de la religion ? - Certes, il faut qu'il y en ait un, et considérable ! Qui serait assez ennemi de l'humanité, assez hostile à Dieu, pour essayer de s'y opposer ?

2. Mais cela à condition que ce soit vraiment pour la foi un progrès et non un changement, étant donné que ce qui constitue le progrès c'est que chaque chose soit augmentée en restant ellemême, tandis que le changement, c'est que s'y ajoute quelque chose venue d'ailleurs.

3. Donc, que croissent et que progressent largement l'intelligence, la science, la sagesse, tant celle des individus que celle de la collectivité, tant celle d'un seul homme que celle de l'Église tout entière, selon les âges et selon les générations ! — mais à condition que ce soit exactement selon leur nature particulière, c'est-à-dire dans le même dogme, dans le même sens, et dans la même pensée.

4. Que la religion des âmes imite le développement des corps, qui, tout en déployant et en étendant leurs proportions avec les années, restent pourtant constamment les mêmes. 5. Il y a beaucoup de différence entre la fleur de l'enfance et la maturité de la vieillesse, mais ce sont les mêmes hommes qui ont été adolescents et qui deviennent vieillards, si bien que, même si la taille et l'extérieur d'un seul et même homme se modifient, subsiste néanmoins en lui une seule et même nature, une seule et même personne. Les organes des enfants à la mamelle sont petits, ceux des jeunes gens sont grands : ce sont pourtant les mêmes. 6. Autant de membres chez les tout-petits, autant chez les hommes faits, et s'il y en a quelque part qui apparaissent en un âge plus mûr, déjà ils existaient virtuellement en germe, en sorte que rien de nouveau n'apparaît chez les gens âgés qui auparavant déjà n'ait été caché dans les enfants. 7. Il n'est donc pas douteux que telle est la règle légitime et correcte du progrès, tel est l'ordre précis et magnifique de la croissance : c'est que le nombre des années fasse toujours apparaître chez les hommes, à mesure qu'ils grandissent, les parties et les formes que la sagesse du Créateur avait d'avance tracées chez les enfants. 8. Si une forme humaine prenait ultérieurement une apparence tout à fait étrangère à son espèce, si tel ou tel membre était, soit ajouté, soit retranché, fatalement le corps entier périrait ou deviendrait monstrueux ou, en tous cas, subirait une déchéance. 9. Ces lois du progrès doivent normalement s'appliquer également au dogme chrétien ; qu'il soit consolidé par les années, développé par le temps, rendu plus auguste par l'âge, mais qu'il demeure sans corruption et inentamé, qu'il soit complet et parfait dans toutes les dimensions de ses parties et, pour ainsi parler, dans tous les membres et dans tous les sens qui lui sont propres, qu'il n'admette après coup aucune altération, aucune perte de ses caractères spécifiques, aucune variation dans ce qu'il a de défini.

Saint Vincent de Lérins, Commonitorium