Le révolutionnaire doit faire abstraction des « grandes » catégories, des « grands » problèmes européens et voir la réalité avec une naïveté complète ; mais une vue aussi directe de la totalité suppose l’isolement et le dépouillement de celui qui cherche. Le révolutionnaire qui ne sait pas se réserver le temps et la solitude trahira et sera dupe ; la méditation est un dangereux acide qui ruine les vérités les plus respectables et qui mène parfois celui qui la risque au dégoût ou à la folie, mais on oublie de dire que la méditation solitaire est en général honnête et qu’elle ne ruine que ce qui est déjà pourri ; s’il est une conviction révolutionnaire qui n’y résiste pas, c’est que la révolution envisagée est inutile au sort véritable de l’homme.

Bernard Charbonneau. Réformisme et révolution in Esprit, n° 77, 1er Février 1939.