Deux façons de fausser le rythme du temps: le progrès technique nous permet de faire durer ce qui est fait pour passer très vite (aliments mis en conserves, vins fixés par l'adjonction de produits chimiques, etc.) et, en même temps, le rythme accéléré de cette civilisation mécanique rend follement éphémères les choses qui, par essence, devraient durer très longtemps: les lois, les institutions, les coutumes, les liens d'amour et d'amitié, les œuvres de l'art et de la pensée... On retarde, on suspend le changement et la corruption dans les choses de la matière où ils sont naturels, pour les introduire dans les choses de l'esprit dont ils bouleversent les lois. L'heure approche sans doute où un quartier de viande dans une chambre froide se conservera plus longtemps que la vogue d'un peintre ou d'un musicien, qu'un régime politique ou l'union entre deux époux...

Gustave Thibon. Parodies et mirages ou la décadence d'un monde chrétien, notes inédites (1935-1978)

(C. XXIII . - 26.7.55)