Rien n’est croissance naturelle dans le visage d’aujourd’hui, tout y est arraché de la surface, repoussé, et l’on s’étonne que les visages existent encore. Ce qu’il y a de mouvant, de hâtif, de provisoire, de fugitif dans le visage est aujourd’hui transposé dans quelque chose de mécanique : c’est le visage de cinéma. Le cinéma n’a pu être inventé que parce qu’il y a le visage d’aujourd’hui. Etant donnée la monumentalité d’un visage humain tel qu’il était autrefois, les mouvements que l’on voit sur un écran de cinéma n’auraient jamais osé composer une image qui ressemblât à un visage. Cette monumentalité aurait dissocié, fait s’envoler ces mouvements.

Max Picard. Le visage humain, 1930