On n’aura jamais pris assez conscience de l’étendue des horreurs du communisme – ni des lâchetés et compromissions du monde face à lui. L’histoire récente du Tibet en est un exemple très parlant, que nous rappelle ce livre formidable sous–titré « Histoire de l’invasion du Tibet par la Chine, de la résistance du peuple tibétain et du rôle joué par la CIA ».

1949 : après avoir chassé le Kuomintang jusqu’à Formose, Mao se tourne vers le Tibet. Dès 1950 le Pays des Neiges est envahi, la petite armée tibétaine est balayée. La nation tibétaine souffrira sans cesse de la pusillanimité et de la corruption de ses élites, qui fourniront d’ailleurs les rangs de la collaboration.

Engagée en Corée, l’Amérique d’Eisenhower est prête à intervenir pour soutenir militairement le Tibet, mais le gouvernement tibétain, qui pratique une coupable politique d’attentisme, ne réagit pas. Manipulé par Mao, le très jeune Dalaï-Lama se laisse imposer en 1951 le fameux « Accord en dix-sept points » qui lamine l’autonomie tibétaine. Comme un nuage de sauterelles, l’armée chinoise se répand sur le Toit du Monde, construit des routes et des aéroports. L’horreur rouge s’abat et va croissante : travail forcé, propagande lourde, endoctrinement idéologique, exécutions publiques, répression massive, persécution antireligieuse, camps de prisonniers, famine organisée…

Sous la pression et la manipulation de Nehru, antiaméricain, prochinois et philocommuniste, les Nations Unies restent immobiles. Les premiers flots de réfugiés arrivent en Inde. Très vite, la résistance tibétaine, d’abord spontanée, s’organise. L’activisme antichinois fleurit à Lhassa, tandis que le Tibet oriental s’insurge : les fameuses régions du Kham, de l’Amdo et du Golok, terres de cavaliers et de guerriers, cosaques et chouans du Tibet…

La guerre se répand, la Chine inonde le pays de soldats, l’insurrection devient générale. Les rouges ne reculent devant rien, et le massacre prend l’allure d’un véritable génocide : comme les Arméniens, ce seront près d’un million et demi de Tibétains qui seront assassinés. La CIA écrit une de ses rares pages de gloire : elle soutient clandestinement la résistance, lui parachute matériel et armement, organise et finance la diaspora, aide les réfugiés, et forme et entraîne à la guérilla un Corps expéditionnaire tibétain…

L’armée tibétaine, forte de dizaines de milliers d’hommes, reprend des régions entières, tandis que la guérilla tient une grande partie du pays. En 1959, la guerre fait rage à Lhassa, le Dalaï-Lama s’enfuit en Inde où il fondera un gouvernement en exil. Mais l’essentiel est déjà joué : c’est dès 1951 qu’il aurait fallu réagir et proclamer l’indépendance tibétaine, avec l’aide de l’Amérique et avant la construction des routes militaires chinoises.

Dans les années soixante, l’administration Kennedy se désintéressera du Tibet, qui sera sacrifié avec Nixon sur l’autel du rapprochement sino-américain. La Révolution culturelle frappera le Tibet avec une violence accrue, annihilant la résistance jusqu’aux dernières émeutes de Lhassa de la fin des années quatre-vingt, réprimées dans un bain de sang.

Le Tibet en est encore un exemple marquant : avec la liberté de religion, l’indépendance de la patrie reste la première des libertés humaines – car le socle de toutes les autres.

Mikel Dunham, Les Guerriers de Bouddha, Actes Sud, 2007