Aucun centralisme fasciste n’est parvenu à faire ce qu’a fait le centralisme de la société de consommation. Le fascisme proposait un modèle, réactionnaire et monumental, mais qui restait lettre morte. Les différentes cultures particulières (paysannes, sous prolétariennes, ouvrières) continuaient imperturbablement à s’identifier à leurs modèles, car la répression se limitait à obtenir leur adhésion en paroles. De nos jours, au contraire, l’adhésion aux modèles imposés par le centre est totale et inconditionnée. On renie les véritables modèles culturels. L’abjuration est accomplie. On peut donc affirmer que la « tolérance » de l’idéologie hédoniste voulue par le nouveau pouvoir est la pire des répressions de toute l’histoire humaine. Mais comment une telle répression a-t-elle pu s’exercer ? A travers deux révolutions, qui ont pris place à l’intérieur de l’organisation bourgeoise : la révolution des infrastructures, et la révolution des du système d’information. Les routes, la motorisation, etc., ont désormais uni les banlieues au centre, en abolissant toute distance matérielle. Mais la révolution des mass media a été encore plus radicale et décisive. Au moyen de l télévision, le centre s’est assimilé tout le pays, qui était historiquement très différencié et très riches en cultures originales. Une grande œuvre de normalisation parfaitement authentique et réelle est commencée et- comme je le disais- elle a imposé ses modèles : des modèles voulus par la nouvelle classe industrielle, qui ne se contente plus d’un « homme qui consomme » mais qui prétend par sucroit que d’autres idéologies que celle de la consommation sont inadmissibles. C’est un hédonisme néolaïque, aveuglément oublieux de toute valeur humaniste.

Pier Paolo Pasolini. Acculturation et acculturation, Corriere della serra, 9 décembre 1973. Les écrits corsaires, Flammarion, 1976.