Certaines images suffisent à justifier une révolte contre le monde moderne. Il n’y a point besoin de grands initiés ; ce que l’Etat et le techno capitalisme ont pu faire d’un quartier en cinq ou six décennies est déjà une raison suffisante d’insurrection. Un homme sensible à certaines métamorphoses urbaines- destruction et rénovation des bars de quartier, développement autoritaire du velib, disparition du Parigot remplacé par le cadre dynamique, le gayfriendly ou le sportif de paris plage etc.- vaut mieux, pour nous, que l’exégète de René Guenon et des brumes de l’ésotérisme. Nous fraterniserons toujours davantage avec le pilier de zinc chantant son dégoût du béton armé et son amour de la flânerie éthylique qu’avec les verbeux et les dandys de la dernière pluie, les amateurs de blasons, les collectionneurs de subversions chics ou les cyberpunks néoreactionnaires. Nos vrais camarades ne sont pas ces heideggériens trop distingués, se lamentant sur l’arraisonnement du monde à la technique (souvent pour faire miauler les khâgneuses et étonner belle maman), mais incapables de s’émouvoir à l’évocation des anciens carêmes et des vieux carnavals, incapables d’aucune tendresse pour le mutilé des guerres économiques ou le bancroche bavard des bistrots ; nos bons et nos vrais camarades ne sont pas ces conférencier antimodernes, filant la métaphore pour flétrir la décadence, les masses, ce grand cadavre de monde moderne, mais incapables de traquer les derniers vestiges de l’art roman dans certaines vieilles chapelles du cœur de Paris, incapables d’apprécier le chant d’un ancien pensionnaire des bats d’af, louant les vertus de Notre Dame Geneviève, patronne et protectrice de Paris… Nous sommes de la race des haidoucks, des bons enfants des barricades de jadis, et de la race des pèlerins crottés et des mendigots à croix de bois et à chapelet de cuir !!! Nous aimons notre Dieu et notre ville !!! Notre Dieu et notre ville ne sont pas des bibelots pour esthètes blasés ou pour éphèbes tordus. Notre Dieu s’est fait homme, est mort sur la croix, a été enseveli et est ressuscité !!! IL n’est pas un dieu anonyme pour spéculation universitaire !! Notre ville est aujourd’hui meurtrie et saccagé par les porchers de l’urbanisme et de la réhabilitation mais est encore assez battante dans nos cœurs pour n’être point laissé aux déambulations des touristes barbares…

Anarchristes, nous vaincrons à Paris comme dans les bourgades les plus reculées. Nous ne vaincrons pas avec les armes du livresque, mais avec notre sang, nos prières, nos larmes, nos chants, nos cavalcades, nos flâneries obstinées…

Extrait d’une intervention de Czibor Cernius à la réunion hebdomadaire des anarchristes de L’est parisien. juin 2011