Icare

Pour ce qui est de ma perte de foi, ça a été comme si tout était d'un coup mis à nu, tout éclairé d'une lumière crue - et d'abord aveuglante. Toute la doublure du monde s'est évanouie, c'était comme si des écailles tombaient de mes yeux. Le ciel s'est comme fendu en deux, le rideau du Temple s'est déchiré - et derrière il n'y avait rien, ou plutôt il n'y avait que l'air, le mur, le sol, la matière. J'ai d'abord été estomaqué, aveuglé, étourdi, j'ai perdu pied, ça a été une véritable révélation, non pas au sens d'une parole surajoutée au monde, mais au sens d'un dévoilement soudain de la réalité, nue, crue, seule, sans rien de plus. Une véritable apocalypse, au sens strict. Une véritable vision - non pas une vision en plus de la réalité, mais une vision de la seule réalité. Bien sûr, ça a été difficile, critique, j'ai tenté de me raccrocher à ma foi, de m'agripper aux lambeaux déchirés, le sol s'est dérobé sous mes pieds, mais en fait, c'était juste un tapis, un parquet, un revêtement, et dessous il y avait le vrai sol, le roc et le sable, le réel. Et puis lâcher prise, acceptation, abandon, saut dans l'abîme, plongée, immersion - et en fait, non, je ne tombais pas de si haut, j'ai retrouvé le monde, la vie, la réalité, plus simple, dégagée, et moi-même, plus simple, dégagé, délivré, libéré... ça a été une véritable libération en fait, une délivrance de tout un fatras inutile de croyances... Eveil, illumination - fiat lux, et lux fuit ! J'ai cru sombrer dans l'abîme, et je suis juste tombé sur le cul ! Retour au réel !