"Je vais me raconter un peu, pour mieux faire comprendre mon parcours, non à titre de curiosité, mais à titre de provenance et d'héritage.

Il y a d'abord eu la synthèse Immédiatement, de Bernanos à Debord, de Proudhon à Weil, etc., tendant toujours davantage vers une certaine forme d'anarchisme insurrectionnel et de communisme populaire.

Ensuite, tout en participant aux émeutes antimondialistes du début du millénaire au sein des Black Blocs (Gênes, etc.), redécouverte du christianisme notamment par l'Orient et les Pères via Lubac notamment et conversion intellectuelle à un christianisme cosmique, écologique, vitaliste, résurrectionnel, "païen" en quelque sorte, et aussi critique, subversif, dissident, révolutionnaire, "anarchiste" voire communiste d'une certaine façon. Bref, un christianisme idéalisé à mon goût tout en restant très réservé sur de nombreux aspects réels des chrétientés historiques et sociologiques et des Eglises institutionnelles. Un christianisme très orthodoxisant ou orientalisant, que j'ai côtoyé cinq ans en Grèce dans ma petite enfance et deux ans en famille en Palestine. (Je comprends d'ailleurs la connivence des "païens" et des (néo) orthodoxes tant le christianisme oriental est resté le plus sacral, le plus cosmique, le plus bigarré et "bordélique", le plus païen en quelque sorte.) Un christianisme inclusif, culturaliste voire relativiste, tant j'ai toujours déploré la disparition de la bigarrure culturelle/religieuse du monde, côtoyée notamment quelques années éparses entre l'Asie centrale, l'Inde, l'Himalaya, la Chine, les régions tibétaines et tibéto-birmanes, le Cambodge, et aujourd'hui la Polynésie (qui confirme mon anticolonialisme et anti-"évangélisme" instinctifs). J'apprécie notamment le bouddhisme (mais guère l'islam fréquenté de près et même quasi pratiqué pendant quelques mois en observation participante lors d'une enquête de terrain d'anthropologie religieuse en immersion totale dans des fêtes et pèlerinages du Sud-Maroc) et surtout le bouddhisme tibétain, j'ai aussi assisté à une grande cérémonie bönpo, etc. Je suis donc très critique à l'égard de l'Eglise catholique, même s'il s'agit jusqu'ici d'une critique interne.

Depuis peu, mon évolution s'est accélérée, même si ce n'est pas officialisé : je suis devenu agnostique si ce n'est athée (voir plus bas ma "déclaration d'athéisme"). Mais je ne suis pas allergique au christianisme comme Onfray ou de Benoist. Je trouverais cela contradictoire avec une position "antimoderne" (même si la modernité est quasi tout entière sortie de la chrétienté, au double sens de sortir : être issu de et quitter), "traditionaliste" ou "traditioniste", "identitaire", "romaine" (au sens de Rémi Brague dans La voie romaine, de la romanité comme piété, transmission d'un héritage autre), etc. : l'identité européenne est fondamentalement chrétienne au moins autant que païenne (et notamment romaine), et la dépaganisation finale de l'Europe a accompagné sa déchristianisation et sa modernisation (disparition du "christianisme cosmique" paysan d'Eliade avec la disparition de la paysannerie). De plus, je me méfie de tout essentialisme exagéré concernant les religions et leur influence : les chrétientés médiévales ("chrétienté sacrale" selon Maritain) étaient des sociétés pagano-chrétiennes ou christiano-païennes et toute leur vitalité et leur génie tenait notamment dans cette tension.(Voir plus bas "Mauvais sang" du si bien nommé Arthur Rimbaud) Quand je retrouve des récits sur mes supposés ancêtres flamands, croisés, etc., la lignée des Rasse de Gavre, etc., je me sens pleinement héritier de ce génie européen médiéval pagano-chrétien, de cette vitalité !

La ligne de fond de tout ça ? J'ai toujours été écologiste (plus tard j'ajouterai radical/intégral) depuis l'âge de raison. C'est d'ailleurs une des raisons de mon scepticisme à l'égard des interprétations natalistes et familialistes majoritaires des christianismes institutionnels, alors qu'il me semble justement que Jésus est en rupture radicale avec ça.

Quoi qu'il en soit, le christianisme (catholique notamment en France) est aussi notre héritage, notre culture, notre code génétique, et la Bible fait partie intégrante de nos mythologies fondatrices. J'ai toujours été passionné par les contes et légendes, les mythologies, etc., et je ne vois pas pourquoi j'écarterai la mythologie biblique de nos mythologies fondatrices - ce qui me paraîtrait en contradiction fondamentale avec tout réalisme identitaire. La Bible est notre grand code culturel, il faut le connaître, l'étudier, je l'ai lue et annotée entièrement en Palestine, c'est une lecture et étude fondamentale. Et la Bible est beaucoup plus païenne qu'on ne le dit.

Peut-être proposerai-je un jour un texte à ce sujet, du christianisme comme (ultime) paganisme... (En tout cas, pour nous autres Européens, qui ne deviendront pas hindous ni papous...)

Quoi qu'il en soit, le christianisme est aussi (co)fondateur de certaines valeurs fondamentales que je fais miennes - notamment un certain personnalisme, un certain individualisme même (au sens d'Ellul et Charbonneau), un certain égalitarisme, un certain communisme, etc.

Sinon, je suis aussi de plus en plus communiste tendance communarde, conseilliste, autonomiste, marxiste-hétérodoxe, j'assume sans complexe ni contradictions un héritage de plus en plus large. Ce qui est certain, c'est que je ne me sens pas du tout d'"extrême-droite", et que je me sens totalement libre vis-à-vis de tout et de tous.

Ecologie et autonomie, voilà les maîtres mots qui portent tout le reste : liberté, égalité, solidarité, identité, communes, régions, peuples, cultures, religions, etc.

Le monde idéal ? Une humanité très variée, libre et point trop nombreuse, vivant de manière autonome dans des paysages paysans inscrits dans une vaste nature sauvage...

Nous en sommes très, très loin.

J'arrête là cette apologia pro vita sua, craignant de fatiguer avec ce déballage narcissique."