"Le retour au pays, aux racines et aux traditions, réserve parfois de nombreuses surprises. C'est un peu comme un long voyage en terre étrangère : quand on revient chez soi, on se met à voir ce que l'on ne voyait plus, ce que l'habitude avait fini par nous cacher. On mesure les écarts, les reniements, les trahisons. Ainsi, la Bretagne me fait voir la région parisienne en retour comme un pays écologiquement dévasté et culturellement dénaturé, les Parisiens comme des gens vaniteux, agressifs, ambitieux, obsédés par leur image, hypnotisés par ce qui brille, par le pouvoir et tout ce qui renforce l'ego. Je vois cette superficialité érigée en système, cet orgueil, cet individualisme et cette vulgarité. Je ne juge pas, je me contente de voir. De même, la Bretagne me fait apercevoir une société où jeunes et vieux seraient réunis, où la solidarité ne serait pas un vain mot, où l'amitié serait reine, où l’homme vivrait en lien étroit avec la nature. Elle me fait aussi repenser ma manière de considérer le politique et la culture. La culture française est aujourd’hui globalement importée d’outre atlantique, musique, cinéma, littérature (il n’est pas rare désormais de voir les gens lire leur polars américains directement en anglais), modes de consommations, etc. La culture est une chose essentielle dans la mesure où elle s'enracine dans l'âme d'un peuple, dans sa nature profonde. Elle lui donne alors une force et une beauté extraordinaire. L’Inde, la Grèce, certains peuples « premiers », tous menacés aujourd’hui, nous en donnent encore quelques exemples. Penser la Bretagne (la Corse, la Provence, l'Alsace, etc.), c'est aussi penser la seule démocratie possible, c'est-à-dire circonscrite dans l'espace et enracinée dans une terre (ce qui ne veut pas dire annexée à un « sang » ou à une « race »). La démocratie sera locale ou ne sera pas. Pour moi, assumer une identité est la seule manière de pouvoir aller vers les autres, car des hommes unidimensionnels n’ont rien à partager. Je ne suis pas pour l'isolement, mais pour l’association, pour le fédéralisme, l'unité dans la diversité. Le projet européen initial allait dans ce sens, mais nous avons aujourd'hui avec l’Union européenne les prémices d'un super-Etat, d'un nouvel empire, d'une dictature de technocrates à la solde de puissances encore plus grandes...bref, la Bretagne me dit que tout n’est pas perdu, à condition de garder l’équilibre entre tradition et modernité, identité et altérité. La force des Bretons : vivre sans artifice. Kenavo !"

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