Aujourd’hui nous voyons comme dans un miroir, mais un jour je verrai face à face, dit Paul1. Ce monde est un miroir, mais il n’est pas le Royaume. Ce monde n’est pas le royaume mais pourtant il en est un miroir, il en est informé, et nulle part, en nul temps, il ne peut plus jamais se comporter comme s’il ne s’était rien passé, comme si ne se découpait pas, hologrammique, sur lui une autre image. Nous voyons trouble, mais eux, pourtant, ils L’ont vu et qui L’a vu a vu le Père. Ils L’ont vu avant sa mort et après sa résurrection.

Anastasis est le mot grec qui désigne simultanément l’insurrection et la résurrection. Il est le mot que nous cherchions confusément et l’ayant trouvé nous n’en demeurons pas moins, non dans l’incertitude car Il est là celui qui nous fonde, mais dans ce trouble au visage qui précède la vraie Jérusalem. Car ce mot lui-même est le trouble. Il n’y a pas de résurrection sans insurrection. « Ce sera l’affaire d’un instant, juste un clin d’œil ».

L’insurrection, ce n’est pas la révolution au sens où ce mot a été annexé par les églises matérialistes millénaristes de la modernité. Encore une fois, payer l’impôt à César n’est rien, et ce n’est pas ce qui nous intéresse. Les païens commandent en maîtres, mais nous qui n’avons plus de maître ici-bas, n’avons plus de serviteurs non plus. Nous payons l’impôt si nous voulons et quand nous voulons, parce que nous sommes des Fils, et que l’impôt se trouve comme la pièce de deux drachmes dans la bouche du premier poisson venu. Le pauvre est important, non la pauvreté.

Nous avons quitté le vieux monde de la loi, et c’est un risque immense : « Maintenant, nous sommes morts vis-à-vis de tout ce qui nous tenait captifs, et la Loi ne vaut plus pour nous ».

Le Royaume est en nous comme la salive dans la bouche. Il se reforme perpétuellement sans qu’on y songe. Et le péché s’est fait semblable au Royaume pour nous égarer, car : « Le péché a besoin de vos membres pour le mauvais combat » ; et « le péché a su se servir du commandement ; il m’a égaré afin que le commandement me donne la mort ». Et encore : « On voit mieux encore ce qu’est le péché quand il se sert de quelque chose de bon pour me donner la mort ».

L’arbre du bien et du mal, c’est Dieu qui l’a mis là, devant nous. Mais c’est le mal qui nous y a fait goûter. Dieu l’avait-il mis là pour me tenter ? Certes, non, car c’est un Dieu qui crée, et qui recrée sans cesse, un Dieu qui ne détruit pas. C’est donc l’usage que nous en avons fait qui a constitué le péché. De même l’arbre de la vie. Ces arbres ont été mis là pour que nous les contemplions, et c’était leur usage. Non pour que nous nous fassions semblables à eux en les ingérant. Manger le fruit pour devenir Dieu. En échange, nous mangeons Dieu pour devenir le fruit. « Mangez-Moi, puisque c’est ce que vous avez voulu. Mais c’est Moi qui me donne ».

C’est cette révolution-là que nous avons recherchée, et elle dépouille les vieilles guerres de leurs séductions, les antiques codes de leur efficace.

Les lois non-écrites d’Antigone sont bien utiles, mais elles demeurent dans l’ordre du monde, dans celui de la sagesse humaine. Certainement la famille vaut beaucoup plus que les lois positives de l’Etat ; mais le Royaume vaut lui-même beaucoup plus que la famille.

L’anarchisme véritable ne peut être que chrétien car tous les autres, au cri de liberté, ne chercheront jamais qu’un ordre banal, vie des nations améliorée.

Nous faisons feu sur toutes les communautés. Nous clouons le vieil homme à l’arbre du bon sens.

Dieu détruit en nous tout ce qui n’est pas nous.

La révolution a passé. Le temps est à l’anastasie.

La sagesse ne reviendra jamais.




Les Anarchristes, Pâques 2015

1 1 Corinthiens, 13-12