L'homme-masse constitue un type d'homme nouveau, radicalement différent de tous les autres hommes. Dans sa conscience à demi-obturée, l'homme-masse en éprouve une intense satisfaction de vanité et une inquiétude obscure. C'est pourquoi, glissant sur sa propre pente, il ne veut pas se sentir seul : il lui faut des hommes, ses semblables, pour parader devant eux et ne point sentir sa solitude. D'où un prosélytisme mécanique en quelque sorte, qui ne résulte pas de la vigueur de la croyance ou d'une vitalité qui s'exonère, mais d'un impossible désir de convertir son vide en plénitude et son néant en totalité. L'homme-masse est doué d'un pouvoir de contagion illimité qui, sans une réforme radicale de nos moeurs, produira effectivement un homme nouveau, un ersatz d'homme.

Marcel de Corte, Philosophie des mœurs contemporaines, Homo Rationalis, 1944.