Notre premier devoir est d'incrédulité totale à l'égard de tous les projets de l'imagination politique, sociale, économique, scientifique, technique, religieuse, à toutes les perspectives sur l'avenir de l'homme et du monde qui ne soient pas fondées sur la nature humaine et sur la nature des choses elles-mêmes déterminées par une mesure au-delà de laquelle il n'y a plus l'homme, ni de monde, mais leurs simulacres. Je ne connais point, pour ma part, de poison plus mortel à l'homme que les excitants idéologiques - qui sont tous à base de vision de l'avenir et que les manipulateurs des propagandes inoculent aux masses pour s'emparer du pouvoir -- sinon les tranquillisants de tout acabit qui nous sont proposés sous forme de sécurité pour endormir nos inquiétudes et nos déceptions La formule « L'homme, c'est l'avenir de l'homme » que Teilhard a reprise,, combinée avec le sédatif d'une socialisation croissante qui nous assure une existence garantie contre tous risques, de la naissance à la mort, c'est la mort même de l'intelligence.

En un mot, les dogmes de l'évolution, du progrès, de la nouveauté, etc... qui nous expulsent de notre réalité véritable, qui nous dopent et nous hypnotisent à la fois, doivent être soumis à chaque instant par nous à la plus sévère et la plus impitoyable des censures, si nous voulons redevenir des hommes réels, implantés dans une civilisation réelle.

Marcel de Corte.