Une expression harmonieuse et comme vitalement assumée du métier.

ll y a une espèce de physiognomonie de la profession dont il serait trop long d'entreprendre ici l'analyse, même d'une manière superficielle, mais dont on peut constater aujourd'hui l'évolution profonde : à l'expression harmonieuse et comme vitalement assumée du métier de jadis et qui transparaissait dans les figures classiques du médecin de campagne ou de l'artisan avec toute leur allure organique, s'est substituée une sorte de stéréotypie abstraite qui ne tient plus au voeu intime de la profession et au modelage des traits qu'elle opère par intussusception de l'esprit et de la vie, du moral et du physique, mais au travail secret des complexes psychiques libérés par la carence de cet élément fondamental, et qui dénonce combien la profession est devenue indépendante du sujet lui-même : apparaissent ainsi à l'observateur la figure molle, bouffie, vulgaire, au teint blafard et huileux, de tant d'hommes d'affaires d'aujourd'hui, avec cette dévitalisation caractéristique des traits qui souligne combien le gôut de l'argent est chez eux une passion abstraite, ou encore le faciès terne, grossier et immobile de l'ouvrier prolétarisé, du manoeuvre pour qui le métier est une pure dénomination extrinsèque. Ces produits du capitalisme moderne nous montre combien la profession est de nos jours la traduction d'une personnalité littéralement éteinte, qu'elle ne sculpte plus de l'intérieur, en vertu de l'énergie morale qui l'a choisie, la figure de l'individu, mais qu'elle s'impose à lui de l'extérieur comme un masque. Rien ne subsiste des puissance vivantes qui l'ont engendrée, chacune selon son ordre et son degré : il ne reste plus qu'un aspect extérieur, figé, interchangeable, une figure abstraite. Là où il n'y a plus d'amour, il n'y a plus création.

Marcel de Corte, Philosophie des mœurs contemporaines,1944.

Une figure molle, bouffie, vulgaire, au teint blafard et huileux.