Après correction, nous publions cette note anonyme que nous avons reçue sur la carrière de Stanislas de Larminat :

"Le 18 juin 2014, à l'espace Bernanos de l'église Saint-Louis d'Antin à Paris, une conférence-débat intitulée "L'écologie : impasse ou espérance ?" et organisée par Liberté Politique a associé Stanislas de Larminat et Gaultier Bès. Nous pourrions plutôt dire "a opposé" car en matière d'écologie au moins les deux invités ont des idées radicalement divergentes : pour M. Larminat, les courants écologistes regroupent surtout des adorateurs de Gaïa qui sacrifient l'homme sur l'autel de la nature et empêchent le développement, tandis que pour M. Bès ce que l'on appelle "développement" est une fuite en avant qui s’empare du plus intime de nos vies et saccage nos écosystèmes : il prône donc une écologie intégrale et radicale, souvent proche des courants "objecteurs de croissance".

Bien que ces deux approches soient irréconciliables, les deux invités semblaient fonder leur réflexion sur leur foi et la doctrine sociale catholique. Sans rentrer ici dans le fond du sujet (d'autres l'ayant déjà fait), il nous a semblé intéressant de connaitre un peu les présupposés idéologiques, les cercles d’influence, même les éventuels conflits d’intérêts, qui peuvent leur faire arriver à des conclusions si radicalement opposées alors qu’ils professent la même appartenance à l’Eglise catholique.

Pour Gaultier Bès nous n’aurons pas grand-chose à nous mettre sous la dent, peut-être vu son jeune âge. A 25 ans, il est normalien, agrégé de Lettres Modernes et a choisi d’exercer le métier peu rémunérateur et parfois ingrat de professeur de français dans un lycée public de la banlieue lyonnaise. Il ne fait partie d’aucun groupe de pensée politique ou économique, son engagement est essentiellement auprès des Veilleurs dont il est un des fondateurs, mouvement né d'abord en réaction aux lois sociétales récentes.

Il a publié tout récemment, avec deux amis, "Nos limites - Pour une écologie intégrale".

Quant à l'auteur du tout aussi récent "L'écologie chrétienne n'est pas ce que vous croyez", son CV est beaucoup plus long, très rectiligne ; il ne revendique pas de conversion mais s’appuie sur son expérience et son expertise accumulées au cours du temps pour justifier ses théories écologiques.

M. Larminat a un double diplôme : tout d'abord un troisième cycle de bioéthique obtenu auprès d’un petit institut par correspondance privé. Il reste modeste sur ce point car il ne se revendique ni philosophe ni théologien. Nous ne nous attarderons pas ici, même si le sujet nous préoccupe, sur l'approche théologique de la Création que, comme dirait le père Dominique Lang, Stanislas de Larminat a « du mal à saisir ».

En revanche, chrétien soucieux du bien commun, M. Larminat nous apporte son éclairage dans un autre domaine : en tant qu'ingénieur agronome, diplômé à la sortie de la 2e Guerre Mondiale dans des écoles qui promouvaient alors la fameuse "révolution verte", il se dit "expert en écologie".

Cette nouvelle agriculture, basée sur la mécanisation, les engrais, les pesticides, la culture hors-sol, l’élevage industriel, le remembrement, etc, avait pour objectifs de nourrir un pays alors dévasté et de faire de la France un grand exportateur agricole ; elle a eu les conséquences que l’on connaît sur la civilisation rurale française, la paysannerie, les paysages, l’environnement, et on commence désormais à en voir également les impacts délétères sur la santé publique.

Stanislas de Larminat est resté visiblement marqué par cet enseignement, vu son appartenance au club Demeter dont les objectifs sont de « dégager les conditions d'adaptation du secteur agricole et agro-alimentaire », autrement dit de finir de convertir les archaïsmes qui restent de l’agriculture familiale aux méthodes traditionnelles en agro-industrie pétrochimique, automatisée et mondialisée. Ce club rassemble tout le beau monde de l'agriculture productiviste et ses financiers : grands groupes céréaliers, grands groupes de l’agro-industrie, vendeurs de semences dont le désormais célèbre Monsanto…

Sa sensibilité écologique et son expertise agricole, Stanislas de Larminat les a développées tout au long d'une brillante carrière dans le grand groupe de l’agro-industrie Saint-Louis-Sucre, dont il termina directeur-général adjoint.

L’histoire de l’industrie sucrière est déjà en elle-même tragique : dès le départ intimement liée au colonialisme et à la traite, elle est toujours aujourd'hui sous le feu des projecteurs de nombreuses associations ou ONG. Désormais produit d’usage courant, le sucre fut d’abord un produit de luxe exotique, dont la production, qui enrichit planteurs et négociants, a fortement contribué, il y a moins de trois siècles, à la mise en esclavage des Noirs d’Afrique par centaines de milliers. Comme de nombreuses autres matières premières, le sucre a provoqué crises économiques et bouleversements politiques qui continuent encore de peser sur les rapports Nord-Sud et sur le devenir de vastes régions du monde.

Aujourd’hui encore les conditions de son exploitation font l’objet de sévères critiques : ravages écologiques de cette monoculture (tout près de chez nous, voyez les grandes plaines à betteraves du Nord de la France) et ravages humains, sur les paysans du tiers-monde qui croupissent dans l’anonymat de leur misère.

Pourtant Larminat se revendique une légitimité certaine dès lors qu’il s’agit de parler de « commerce équitable » et aime à invoquer le développement des plus pauvres comme argument suprême contre tout début de transition écologique de notre modèle de développement moribond.

Si l’on peut donc voir les limites de son expertise agricole ou en matière de justice sociale, il est un domaine où Stanislas de Larminat excelle : la communication.

Il a présidé La Collective du Sucre qui assure la communication de l’industrie sucrière, ainsi que la Semaine du Goût en 2003.

Ce n’étaient pas de petites responsabilités : pour l’industrie du sucre, la communication est stratégique.

En France, 15 % des enfants sont obèses ou en surpoids, soit deux fois plus qu'il y a dix ans ; et, d'après l'Académie de médecine, ils seront 25 % en 2020 !

Comment en est-on arrivé là ? Afin de produire en masse et à bas prix, l'industrie agroalimentaire a misé sur les matières grasses bon marché. Mais, pour nous faire avaler tout ce gras hypocalorique, il a fallu trouver des « moteurs gustatifs », au premier rang desquels le sucre : chaque année, nous engloutissons ainsi environ 34 kg de sucre, soit 11 de plus qu'il y a cinq ans.

L'Organisation Mondiale de la Santé a tiré la sonnette d'alarme : la part du sucre dans notre ration énergétique est deux fois trop élevée, et face au fléau de l’obésité il faut éduquer dès l’école. Les industries du sucre ont alors réagit pour que rien ne change, sans souci des méthodes : pressions sur les pouvoirs publics et l'OMS, infiltration des groupes scientifiques, menaces sur des associations de diabétiques…

En France, reprenant les conclusions qu’il fallait éduquer dès l’école, le lobby du sucre a inventé la Semaine du Goût... mais avec des objectifs radicalement opposés à ceux l’OMS : tous les ans, la Collective du Sucre met donc sur la table des centaines de milliers d'Euros de dépliants, de recettes, de cadeaux aux enfants afin de "faire fructifier le capital sympathie" du sucre...

On ne s’étonne donc pas que de ces années à la direction d’un puissant organisme de lobbying, Stanislas de Larminat ait gardé le caractère batailleur. Même seul contre toutes les évidences et les nombreuses prises de paroles claires d'autorités de la hiérarchie catholique de part le monde (papes successifs en tête), il continuera toujours avec un aplomb surprenant à rejeter les causes humaines du réchauffement climatique, à promouvoir la spéculation financière sur les produits agricoles, à se réjouit de l'absence d'accord sur le climat, à nier la pollution atmosphérique de Paris, à prôner les OGM, à rejeter l’agriculture biologique, à se réjouir du développement des biocarburants…

Stanislas de Larminat n’hésite pas même à sermonner les évêques de France, dont il se permet de refuser le discours sur l’écologie, en leur adressant une « correction fraternelle ». Il utilise alors les grands moyens en convoquant le péril rouge : pour lui les évêques de France ont été influencés par des "militants… infiltrés" d’inspiration communiste. Nous sommes en 1970...

On peut légitimement se demander si cette accusation ne doit lui être retournée : infiltré de l’industrie sucrière qui préfère nous voir mourir obèses plutôt que de remettre en cause ses profits, infiltré de l’agrochimie qui ravage les sols et supprime les paysans pour ces mêmes profits, infiltré des groupes de propagande et de pression qui endoctrinent nos enfants jusque dans leurs écoles, encore pour le profit…

Le 18 juin, la joute a été éclairante car elle a permis de faire tomber les masques, malgré l’animateur qui a clairement orienté le débat : saviez-vous que François Billot de Lochner, président de Liberté Politique dont Stanislas de Larminat est un contributeur régulier, est directeur d'un fonds d'investissement, ancien membre de l'UMP et ancien président de la fédération UMP des métiers de la banque !

Encore un "expert"."

http://www.la-croix.com/Ethique/Sciences-Ethique/Sciences/Idiots-utiles-_NP_-2011-11-07-733049

http://ccfd-terresolidaire.org/projets/ameriques/bresil/bresil-la-canne-a-sucre-1256

http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2012/11/01/peche-mignon-les-doux-mensonges-de-lindustrie-du-sucre/

http://www.lepoint.fr/actualites-societe/2007-01-18/comment-on-nous-gave-de-sucre/920/0/45064