Pour Alain Jugnon

Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre

Que serais-je sans toi qu’un coeur au bois dormant

Que cette heure arrêtée au cadran de la montre

Que serais-je sans toi que ce balbutiement.

J’ai tout appris de toi pour ce qui me concerne

Qu’il fait jour à midi, qu’un ciel peut être bleu

Que le bonheur n’est pas un quinquet de taverne

Tu m’as pris par la main dans cet enfer moderne

Où l’homme ne sait plus ce que c’est qu’être deux

Tu m’as pris par la main comme un amant heureux.

Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre

Que serais-je sans toi qu’un coeur au bois dormant

Que cette heure arrêtée au cadran de la montre

Que serais-je sans toi que ce balbutiement.

Qui parle de bonheur a souvent les yeux tristes

N’est-ce pas un sanglot que la déconvenue

Une corde brisée aux doigts du guitariste

Et pourtant je vous dis que le bonheur existe

Ailleurs que dans le rêve, ailleurs que dans les nues.

Terre, terre, voici ses rades inconnues.

Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre

Que serais-je sans toi qu’un coeur au bois dormant

Que cette heure arrêtée au cadran de la montre

Que serais-je sans toi que ce balbutiement.

Louis ARAGON

Recueil : "Le Roman inachevé"