Comment parler du Christ à des peuples déchristianisés, blasés, comment faire de nos vieilles terres de démission de nouvelles terres de mission ? Comment annoncer Dieu dans un monde postchrétien, déchrétien, inchrétien ? C’est la question que le Conseil pontifical pour les laïcs posait il y a un an à Fabrice Hadjadj. Et pour cause. Fabrice Hadjadj, pour qui le connaît de près ou de loin, est un beau parleur. Aussi, quand l’occasion lui a été donnée de parler de la parole, il n’a pas manqué de faire son autocritique – et la nôtre avec : « L’apôtre qui balbutie comme un homme ivre vaut mieux que celui qui parle comme un livre. »

Bien plus violente est la critique divine : « Tu ne prononceras le Nom du Seigneur ton Dieu en vain ! » (Ex 20, 7) Parler de Dieu ! Quel scandale ! Quelle folie ! Que pouvons-nous dire de l’indicible ? Autant se taire ! Autant baver béat comme un saint Joseph de Cupertino ! Mais notre Dieu est un Dieu proche, un Dieu qui parle, un Dieu fait Parole, une Parole faite chair : « Dieu, je le connais très bien (nous avons mangé ensemble pas plus tard que dimanche dernier) », fait écho avec humour Fabrice Hadjadj à son prédécesseur saint Paul : « Quoi que vous puissiez dire ou faire, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus ! » (Col 3, 17)

Alors, que faire, comment faire ? Comment sortir de cette double injonction, de ce crucifiant paradoxe ? Avant tout, humilité, humilité de la parole et du parleur : « C’est à notre manière, en balbutiant, que nous énonçons les hauteurs divines. » (saint Grégoire le Grand) Et immense audace dans la liberté des enfants de Dieu.

Fabrice Hadjadj rappelle la vertu de la conversation plutôt que l’efficace de la communication, il invite à ne pas se perdre dans la vain babil babélien mais à cultiver avant tout la vie intérieure, pour ne pas devenir ce « vain prédicateur de la parole de Dieu au-dehors, qui ne l’écouterait pas au-dedans de lui » (saint Augustin) et en laquelle chacun de nous peut malheureusement se reconnaître. Comment mieux parler de Dieu qu’en imitant Dieu, en devenant nous-mêmes des paroles incarnées, de vivantes paroles de Dieu ? Des christophores, des théophones. Des chrétiens et des saints.

Fabrice Hadjadj, Comment parler de Dieu aujourd’hui ?, Salvator, 2012, 220 p., 19,50€