Migrants : personne n'est étranger dans l'Eglise

Par le card. Vegliò

Anne Kurian

ROME, 26 février 2013 (Zenit.org) - « Personne n’est étranger dans l’Eglise », rappelle le cardinal Vegliò : l’Eglise embrasse tous les peuples et elle voit même dans le phénomène migratoire « un signe des temps », destiné « à transformer les structures nationales et internationales, sociales, économiques et politiques ».

Personne n’est étranger dans l’Eglise

Selon les termes de Lumen Gentium, a rappelé le cardinal Vegliò, l’Eglise est “signe et instrument de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain” : « Personne n’est étranger dans l’Eglise et elle n’est étrangère à personne, en aucun lieu », a-t-il insisté.

A cette lumière, elle est « un lieu où les migrants sont reconnus et acceptés comme frères et soeurs, quel que soit leur statut légal », car l’Eglise, selon Benoît XVI, est « depuis ses origines, orientée kat’holon, elle embrasse tout l’univers » et avec lui « tout peuple, toute culture et toute tradition ».

Comment est-ce que l’Eglise considère l’émigration ? Pour elle, l’émigration est non seulement « un phénomène inévitable », mais aussi un « authentique signe des temps », qu’il faut donc étudier, a répondu le cardinal.

La « souffrance du migrant » par exemple, appelle de la part de l’Eglise « des réponses créatives, afin que la foi, l’espérance et la charité des migrants et de tout le Peuple de Dieu puissent être fortifiées ».

Ce signe des temps est un « signe fort », a fait remarquer le cardinal, qui y voit même un signe destiné « à transformer les structures nationales et internationales, sociales, économiques et politiques, pour créer les conditions exigées par le développement pour tous, sans exclusion et sans discrimination à l’égard de quiconque et quelles que soient les circonstances ».

Il s’agit donc pour la communauté internationale et les gouvernements de « vérifier objectivement pourquoi la globalisation a fonctionné bien ou mal à tel ou tel endroit » et d'en tirer les conséquences.

Aspects asymétriques de la mondialisation

Le cardinal a constaté la « situation globale complètement nouvelle » actuelle, qui attend donc « une réponse nouvelle ».

Il a constaté d’une part que le processus de mondialisation « rapproche toujours davantage les personnes », notamment par les communications sociales.

Mais d’autre part, « la mobilité des personnes rencontre des barrières qui la limitent », a ajouté le cardinal, qui diagnostique « la possibilité que les migrations internationales soient exclues de l’idéal du processus de mondialisation ».

Le cardinal a dénoncé en ce sens les « aspects asymétriques d’une mondialisation » qui « inclut certains », et en « exclut d’autres », qui privilégie le « libre mouvement des affaires », la « mondialisation financière », plutôt que l’émigration.

Il estime que ce schéma montre une « incompatibilité » entre les restrictions des Etats concernant l’émigration, et « un monde qui avance vers une croissante libéralisation des autres flux ».

D’ailleurs, cette « incohérence peut être responsable du grand nombre de migrants sans documents et de la disparition de certaines aires migratoires dans le monde », ainsi que de la prolifération de « terrains fertiles pour les crimes contre les droits de l’homme, tel le trafic d’êtres humains ».

L’Eglise, qui a « toujours soutenu le droit de tout être humain à émigrer » parmi les droits de l’homme fondamentaux, appelle à une « meilleure gestion » de l’émigration : si le droit à émigrer doit être harmonisé avec le droit d’une nation à « réguler le flux des migrants pour la protection de son bien commun », cependant « les nations les plus prospères ont une obligation, dans la mesure de leurs possibilités, d’accueillir l’étranger » qui est en recherche de « sécurité » et de « subsistance ».

Et de leur côté les immigrés doivent « respecter avec reconnaissance le patrimoine matériel et spirituel de la nation qui les accueille et obéir à ses lois », a ajouté le cardinal.

Contrôler les facteurs du départ des migrants

Il a souligné également un autre aspect crucial de l'émigration, citant Benoît XVI : « avant le droit à émigrer, il faut réaffirmer le droit à ne pas émigrer, c’est-à-dire à être en condition de rester sur sa terre ».

Ce droit est effectif, a expliqué le cardinal, si les facteurs qui poussent les personnes à émigrer sont contrôlés : il a donc appelé à « considérer les motifs du départ de l’émigrant », et à « avoir la ferme détermination de s’attaquer à la racine du problème ».

A ce sujet, a déclaré le cardinal, l’Eglise « a la responsabilité d’assurer que l’opinion publique soit adéquatement informée sur les causes de l’émigration et sur les facteurs qui obligent les hommes à abandonner leurs maisons. Elle doit s’affronter au racisme, à la discrimination et à la xénophobie toujours et partout où elles se manifestent. »

Pour l’Eglise, en outre, l’émigration « n’est pas seulement une question de diversité et de cultures différentes » mais elle est un défi « d’unité, dans la rencontre de personnes du monde entier ». Car « une mondialisation qui aboutit à une exclusion diffuse n’est tout simplement pas mondiale », a fait observer le cardinal.

Pour le président du dicastère, la foi chrétienne « demande aux fidèles de regarder les migrants non comme des irréguliers ou de simples victimes, mais comme des êtres humains qui contribuent à la société », non pas comme « des étrangers, mais comme nos frères et sœurs ».

L’émigration devrait donc être vue « comme un moyen d’enrichir notre patrimoine culturel », a-t-il souligné, estimant que l’évangélisation avait toute sa place « dans cette rencontre des peuples ».

Le but ultime étant, pour l’Eglise, « la croissance de la solidarité mutuelle et de l’amour chrétien », a-t-il conclu.